Pour une gestion durable de l’eau

Le CESE a adopté le 11 avril dernier à une large majorité, un avis sur la gestion durable de l’eau (quantité, qualité, partage) face au réchauffement climatique. Cet avis a été rapporté au nom de la Commission environnement, par Pascal Guihéneuf et Serge Le Quéau. « Si les vingt-trois préconisations du CESE font écho au Plan Eau du Gouvernement présenté le 30 mars dernier par le Président de la République, elles se veulent plus ambitieuses et plus concrètes pour répondre aux enjeux de la période, sans esquiver les sujets et les problèmes les plus difficiles à régler ». Deux questions à notre invité, Serge Le Quéau (groupe ASE).

 

Quel est l’objectif principal de cet avis ?

C’est avant tout, un avis d’alerte qu’a voulu faire le CESE étant donné la gravité de la situation. Car avec le réchauffement climatique, les périodes de sécheresse, les incendies, les pollutions aggravées par le manque de dilution, mais aussi les conflits pour le partage de la ressource, vont se multiplier et s’amplifier dans les années à venir.

Pour accélérer l’adaptation aux changements climatiques, le CESE préconise de renforcer les moyens de la recherche publique et privé, sur la climatologie et la connaissance des écosystèmes aquatiques. II propose, pour anticiper les crises, d’avoir un comptage en temps réel de tous les prélèvements, la connaissance permanente de l’état des nappes et d’accroître le nombre des piézomètres.

Le CESE lance surtout un vibrant appel à la sobriété dans tous les usages de l’eau en rappelant la nécessité de réduire les prélèvements d’eau de 10% en 2025 et de 25% en 2035. Face à la persistance de pollutions diffuses qui vient principalement des produits pesticides, des fertilisants des PFAS et des plastiques, il formule différentes préconisations pour améliorer la gestion durable de l’eau. Il rappelle la nécessité de concilier ambition économique avec l’impératif écologique qui exige de la transparence lors des débats publics. Il préconise de rendre responsables les industriels de l’ensemble du traitement de leurs rejets d’exploitation : en recyclant davantage leurs eaux usées, en demandant plus de transparence sur la quantité utilisée au regard des ressources disponibles, sur la qualité tout au long de la circulation des eaux et en tenant informées les populations concernées.

L’agriculture a-t-elle un rôle particulier à jouer dans cette gestion de l’eau ?

Le CESE préconise également d’accélérer, en l’accompagnant, la transition agroécologique pour réduire l’impact de l’agriculture sur la ressource en eau, limiter au plus vite l’utilisation de produits pesticides et engrais azotés susceptibles de contaminer les eaux, et préserver la qualité des sols. Il appelle notamment à accélérer le processus de nécessaire sortie des pesticides en agriculture, et de renforcer les actions et les contrôles qui permettront d’atteindre les objectifs des plans Ecophyto. Il préconise une mobilisation des financements pour mettre en œuvre les alternatives existantes ou à créer.

Il recommande surtout de s’appuyer sur les solutions fondées sur la nature et de respecter à minima dans les meilleurs délais l’objectif de restaurer 25 000 km de cours d’eau fixé par les Assise de l’eau pour 2022.

Au-delà des périodes de crise, la question du partage de l’eau est de plus en plus soulevée en période « normale », face à la raréfaction de la ressource disponible. C’est pourquoi, le CESE appelle à une plus grande transparence au sujet des bassines et des stratégies d’irrigation agricole, et s’oppose au subventionnement public des méga-bassines, considérées comme néfastes pour l’environnement et la santé humaine. Il recommande de les installer au cas par cas, après concertation et décision démocratique de l’ensemble des parties prenantes. Il préconise d’engager un débat public sur de potentielles modifications quant au système de tarification de l’eau sur les territoires métropolitains et dans les Outre-mer. Ces modifications permettraient de mettre en place une tarification sociale et progressive de l’eau, en fonction de la composition des ménages, ainsi que l’interdiction des tarifs dégressifs et l’adoption d’une tarification dissuasive à la surconsommation d’eau. Le Gouvernement vient par ailleurs de demander à la troisième assemblée de la République de rendre un avis sur cette question. Le CESE appelle aussi à renforcer le partage de l’eau entre l’amont et l’aval d’un bassin versant et à conforter la solidarité territoriale, ainsi que la participation citoyenne.

Enfin, pour améliorer et accélérer l’adaptation aux changements climatiques, compte tenu de l’urgence à agir, le CESE préconise de renforcer en moyens et personnel la recherche et le développement, public comme privé, sur toutes les disciplines relatives à la climatologie et l’hydrologie.