Les dégâts du chômage

Le CESE dresse un bilan précis de l’impact du chômage en France et formule un ensemble de recommandations concrètes pour attirer l’attention de tous les acteurs et décideurs et accompagner les personnes au chômage.

 

En 2017, 200 millions de personnes seront au chômage à l’échelle mondiale. Phénomène massif et structurel en Europe, le chômage est une préoccupation première des Français et une source d’insécurité et d’instabilité.

Avec l’avis « L’impact du chômage sur les personnes et leur entourage : mieux prévenir et accompagner » rapporté par  Jacqueline Farache (Groupe CGT) au nom de la section des affaires sociales et de la santé, le CESE dresse un bilan précis de l’impact du chômage en France et formule un ensemble de recommandations concrètes pour attirer l’attention de tous les acteurs et décideurs et accompagner les personnes au chômage. Une approche nouvelle de la question qui prend un angle trop souvent négligé. Le vote à l’unanimité de cet avis (199 voix sur 199 exprimés) montre que cette démarche ne peut être contestée.

Constat est fait que la société porte un regard négatif sur les chômeur.euse.s, alors que la dégradation de la conjoncture économique les empêche d’exercer leurs potentialités dans la vie active et crée des dommages considérables sur leur santé.

La crise économique de 2008 a aggravé une situation qui touche désormais 10,6 % de la population active. Il est aujourd’hui plus difficile de retrouver un emploi et la durée moyenne du chômage atteint un an et quatre mois (fin 2015). Plus préoccupant, certaines catégories comme les personnes peu qualifiées, les jeunes, les femmes, les seniors, les personnes en situation de handicap, rencontrent des difficultés particulières d’insertion professionnelle, 5,4 millions de personnes alternent chômage et emploi précaire.

Au choc du chômage s’ajoute la précarité financière car si l’indemnisation joue un rôle d’amortisseur de la baisse des revenus, 40 % des chômeur.euse.s ne la perçoivent pas et la moitié d’entre eux. elles touchent moins de 500 euros par mois (2014). Des droits sont ouverts aux chômeur.euse.s comme la validation de trimestres retraite, sous certaines conditions, ou le maintien de la couverture santé antérieure (lorsque leurs ressources diminuent, il.elle.s peuvent bénéficier de la protection universelle maladie/PUMA et d’une complémentaire santé, CMU-c ou l’aide à la complémentaire santé – ACS – en fonction des revenus). Pour autant, le non recours à leurs droits à prestations sociales est un phénomène très marqué chez les personnes au chômage.

Le chômage a un impact social majeur. Il augmente le risque de séparation et d’isolement social, il impacte l’avenir scolaire des enfants

Le chômage est désormais une question de santé publique ; 10 à 14 000 décès par an lui sont imputables du fait de l’augmentation de certaines pathologies, maladie cardio-vasculaire, cancer…  Il multiplie le risque de connaître un épisode dépressif, 24 % des hommes et 26 % des femmes sont ainsi concernés (Dares 2015). Une progression de 10% du taux de chômage se traduit par une augmentation de 1,5 % du taux de suicide (Bull épidémiologique 2015).

Le chômage a un impact social majeur. Il augmente le risque de séparation et d’isolement social, il impacte l’avenir scolaire des enfants (Insee, 2004), il retarde la venue d’un premier enfant (INED, 2011).

Non seulement ces conséquences sont ignorées mais « une certaine fatigue de la compassion » s’exprime. Ainsi, 60% des personnes interrogées estiment que les chômeur.euse.s pourraient trouver un emploi s’ils.elles le voulaient vraiment et 46 % que les pouvoirs publics n’en font pas assez pour les personnes les plus démunies contre 73 % en 1994 (enquêtes CREDOC). Pourtant, notre pays voit arriver chaque année 150 000 actif.ive.s de plus sur le marché du travail sans pouvoir créer un nombre suffisant d’emplois.

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Dans son avis «, le CESE  ne se contente pas de décrire ; il formule un ensemble de recommandations concrètes pour attirer l’attention de tous les acteurs et décideurs et accompagner les personnes au chômage.

La première affirmation de cet avis  demande « que la précarité sociale soit reconnue comme le vingt et unième facteur de discrimination au titre des critères de discrimination prohibés par la loi« , il préconise réalisation d’études « épidémiologiques ciblées sur la population des chômeurs » et d’une « évaluation des coûts indirects du chômage pour l’assurance maladie » ou encore « amélioration de la qualité de l’accueil à Pôle emploi ».…

Bien que le chômage soit désormais un phénomène massif, (6 millions de personnes, toutes catégories confondues en 2015 – Pôle emploi), le traumatisme qu’il entraîne, ses conséquences sociales et l’impact sur l’entourage restent encore trop méconnus.

Pour le Conseil économique, social et environnemental, le regard sur les personnes en situation de chômage doit évoluer et devenir plus « bienveillant et objectif ». Prévenir les conséquences sociales les plus dévastatrices pour les personnes au chômage et leur entourage suppose de lutter contre une stigmatisation qui nuit à l’exercice légitime de leurs droits, à l’image qu’il.elle.s ont d’eux.elles-mêmes et in fine à leur réinsertion même sur le marché du travail.

Les politiques publiques, notamment sanitaires, doivent mieux accompagner les personnes pendant le temps qui les sépare d’un retour à emploi. Au-delà, c’est toute la société qui doit s’impliquer pour changer de regard sur les personnes en situation de chômage.

Enfin  le CESE  formule ainsi plusieurs recommandations visant à  » faire évoluer la représentation des personnes au chômage « ,  » développer la prise en charge préventive au plan psychique et physique  » et  » renforcer le caractère global de l’accompagnement « .

Par Eliane Lancette, juin 2016

Texte de l’avis et autres éléments ici