Le CESE a adopté le 11 mai un avis sur « les circuits de distribution des produits alimentaires » élaboré dans le cadre de la section «Agriculture, pêche et alimentation». Son rapporteur était un syndicaliste, Albert Ritzenthaler, président du groupe CFDT. Nous l’avons interrogé sur les enjeux de cet avis et ses préconisations.
1) Quels sont les enjeux de cette problématique, en particulier pour le syndicaliste que tu es ?
L’enjeu fondamental est de faire prendre conscience à l’ensemble de la société que la production alimentaire ne se limite pas à un prix et que chaque consommateur.trice, chaque citoyen.ne a une responsabilité dans les choix qu’il.elle fait en termes de consommation mais aussi en termes de production pour les salarié.e.s des entreprises de ce secteur : ces choix doivent contribuer à un meilleur partage de la valeur ajoutée entre les acteurs, du producteur jusqu’au consommateur. C’est un enjeu à la fois de responsabilité sociétale et d’éducation.
2) Qu’as tu appris en faisant ce travail ?
J’ai tout appris car je n’étais pas spécialiste de la question. Mais j’ai surtout appris la difficulté des acteurs, producteurs, distributeurs mais aussi transformateurs à discuter et à s’entendre. Tous ces acteurs sont organisés, plus ou moins bien d’ailleurs car les agriculteurs malgré les coopératives ont beaucoup de mal à s’organiser, mais ils ne s’entendent pas, si bien que tout le système est piloté par l’aval. Les distributeurs fixent les prix d’achat de leurs produits aux transformateurs, lesquels fixent ensuite les prix auxquels ils achètent aux agriculteurs : un bon exemple en est le prix du lait.
3) Sans résumer l’avis qui contient de multiples préconisations, peux tu dire quelles en sont selon toi les idées fortes ?
J’en vois trois.
Il y a d’abord l’idée qu’il faut en finir avec la guerre des prix au sein de la grande distribution qui de fait aboutit à une réduction de la valeur ajoutée pour tous les acteurs : les conséquences en sont extrêmement négatives et importantes pour les salarié.e.s dans les entreprises et pour les producteur.trice.s alors que le bénéfice pour le consommateur est évalué en moyenne à trois euros par mois. Ce bénéfice est à peine perceptible et aboutit à une auto destruction d’un système de production agricole et de production de produits agro-alimentaires que génère cette guerre des prix.
La seconde idée est de miser sur une plus forte territorialisation avec pour enjeu le développement des circuits courts : Il s’agit notamment d’utiliser les services de restaurations collective, les cantines scolaires etc.., pour servir de points d’appui à des circuits de proximité en assurant aux producteur.trice.s des débouchés suffisants pour leur permettre d’avoir également un accès direct aux consommateurs.
La troisième c’est la responsabilisation des consommateur.trice.s notamment à travers une meilleure information sur les » signes officiels de qualité » qu’il faut pouvoir distinguer nettement des labels publicitaires ou commerciaux. De même l’avis demande à la grande distribution d’indiquer la répartition de la valeur ajoutée sur un certain nombre de produits emblématiques : combien est versé au producteur, au transformateur ? Quelle est la plus value au niveau social, au niveau environnemental ? C’est une démarche analogue à celle du commerce équitable mais volontariste, dans une perspective éducative. Enfin il propose de réglementer la publicité papier et interdire celle qui n’affiche que les prix, de façon à redonner toute sa valeur à la production agricole en exigeant qu’il y ait des informations sur les conditions de production, la qualité etc. Dans la même perspective on demande la disparition des comparateurs de prix dans la grande distribution qui n’ont aucun sens et renvoient précisément à cette guerre des prix que nous dénonçons.
Rapport, avis intégral, et sur le sujet : ici