Avec la loi NOTRE, chaque Région élabore un Schéma de développement économique d’internationalisation et d’innovation (SRDEII) et conforte ses compétences en matière de formation professionnelle (loi sur la formation professionnelle de 2014). En concertation avec L’État, la Région Ile-de-France a décidé de territorialiser les politiques d’emploi, de formation et d’orientation professionnelle. Le CESER en a débattu.
En lien avec la « feuille de route » de mise en œuvre en Ile-de-France du Plan 500 000 formations, l’Etat et la Région ont décidé d’élaborer une carte unique de « bassins d’emploi » . C’est le bureau du CREFOP –dont la FSU n’est pas partie prenante –qui a été chargé de cette élaboration.
Le Conseil régional a adopté en septembre 2016 cette carte.
Ces nouveaux périmètres d’intervention deviennent l’échelle de référence pour trois actions: l’identification des besoins en compétence au regard des enjeux économiques des territoires (plus particulièrement pour les métiers en tension) afin de définir une offre de formation professionnelle et d’orientation tout au long de la vie. Ensuite l’animation et la coordination des acteurs de l’emploi, de la formation et du développement économique et enfin la mise en œuvre sur le territoire des politiques régionales de développement économique (SRDEII), d’emploi, de formation et d’orientation professionnelles.
L’élaboration en a été fondée sur l’analyse des flux domicile-travail : l’Insee a fourni des cartes de référence pour identifier les bassins d’emploi à l’échelle infra régionale; sur des critères institutionnels fixés en commun par l’Etat et la Région : respect des nouveaux périmètres des EPCI ; prise en compte des « territoires de projet » ( Grand Roissy ; Paris-Saclay ; Evry, Marne la Vallée); et sur des critères pondérateurs notamment taille critique et enjeux de proximité. Vingt quatre bassins d’emploi ont été ainsi arrêtés
L’avis du CESER (décembre 2016)
Saisi pour avis sur le SRDEII, le Ceser Ile-de-France a salué, en continuité avec ses avis antérieurs sur le SRDE de 2006 et sur la SRDEI de 2011, la volonté affichée de travailler en lien étroit avec les territoires infra régionaux et de coordonner à cette échelle les politiques de l’Etat et du Conseil régional.
Il s’est cependant fortement interrogé sur la géographie de certains bassins d’emplois au regard de leur forte hétérogénéité (ex tissu urbain dense et territoires ruraux très périphériques,) de la cohérence incertaine en termes de géographie fonctionnelle et de l’absence d’articulation avec les « territoires d’intérêt métropolitain » identifiés comme cadre de mise en œuvre du Schéma directeur de la Région Ile-de- France (SDRIF adopté par un décret en conseil d’Etat en janvier 2014).
Par ailleurs, le Ceser a regretté que le SRDEII n’ait pas été élaboré étroitement en parallèle avec d’autres schémas tels le Schéma régional de l’enseignement supérieur et de la recherche et de l’innovation (SRESRI) et qu’il n’ait pas pu examiner en parallèle le contrat de plan régional de développement des formations et de l’orientation professionnelle (CPRDFOP).
Dans le cadre des nouvelles attributions données aux Ceser par l’article 32 de la loi Notre, le bureau du Ceser d’ile-de-France, a donc décidé de procéder à une « évaluation de la pertinence du dispositif des bassins d’emploi définis dans le cadre du SRDEII ». L’idée de cette évaluation « ex ante » est de vérifier si le nouveau dispositif répond bien aux usages attendus en s’appuyant sur l’analyse des attentes des acteurs locaux (entreprises, salariés ; demandeurs d’emploi). Les bassins d’emploi étant le lieu de mise en cohérence emploi/formation/orientation/développement économique, ce travail conduit par la commission « emploi/développement économique du Ceser associe les commissions Education et aménagement du territoire.
Quels enjeux ?
S’il est utile de mieux ancrer les politiques publiques à une échelle infra-régionale pour mieux identifier les réalités et les besoins des territoires, les risques d’un enfermement sur le territoire sont réels.
Appréhender les inégalités à de multiples échelles, est une nécessité. L’Ile-de France est en effet la région où les inégalités sociales et territoriales sont les plus fortes et les mutations récentes économiques comme institutionnelles tendent à leur aggravation.
Au plan économique, la dernière décennie se caractérise par la concentration croissante de l’emploi et des dynamiques de développement économique dans le cœur de métropole (Paris et les « clusters »). Les territoires de grande couronne dans lesquels l’industrie est la plus présente ont été plus frappés par les effets de la crise de 2008 et tendent à décrocher de la « dynamique métropolitaine ».
Au plan institutionnel, la création de la Métropole du Grand Paris (MGP) -soit 57% de la population et 75% du PIB francilien – accompagnée de la formation de quelques puissantes intercommunalités de plusieurs centaines de milliers d’habitants autour de pôles dynamiques liés au développement métropolitain mondialisé- peut conduire à une Ile de France à plusieurs vitesses.
Ces mutations peuvent donc créer de nouvelles fractures territoriales en marginalisant la plupart des territoires péri-urbains. Leur fonction de territoires servants (logistiques, évacuation des déchets, accueil de populations chassées du cœur métropolitain du fait du coût du logement…) pourrait être renforcée alors que ces territoires ont des ressources fiscales limitées et sont déjà en difficulté pour assumer le financement des équipements et services nécessaires à leurs habitants.
Toutefois La territorialisation des politiques publiques peut aussi aider à rapprocher l’habitat et l’emploi et créer des véritables bassins de vie de proximité.
Mais des risques importants mobilisent la FSU : celui d’une spécialisation fonctionnelle des territoires, source d’inégalités territoriales accrues; celui d’une adéquation étroite formation/emploi aux dépens des demandeurs d’emploi et des jeunes
Le CPRDFOP francilien qui vient d’être adopté en janvier par le Conseil régional (le bureau du CREFP a travaillé sur le projet entre septembre et décembre dernier) est marqué par une telle orientation. Il a fait l’objet d’une forte critique de la FSU d’autant qu’il n’a fait l’objet d’aucune réelle concertation.
Par Nicole Sergent
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