Marie Claire Martel

Le CESE a voté en novembre 2017 un avis sur les politiques culturelles, intitulé « Vers la démocratie culturelle »; Marie Claire Martel en était la rapporteure. Elle est membre du groupe des associations, présidente de la Coordination des fédérations et associations de culture (COFAC).

1) Quel bilan peut on faire des diverses politiques culturelles menées depuis Malraux?

Il n’est pas question de remettre en cause ce qui a été fait et les avancées qu’ont produit les politiques culturelles conduites jusqu’aujourd’hui. Le bilan est indéniablement positif : il est évident que depuis Malraux l’accès à la culture est bien plus large. Simplement on peut en pointer les limites, tant en termes de diversité culturelle qu’en termes de diversité d’accès ; mais au-delà de ces limites la question qui se pose est : que fait-on de tout cela? Que font les gens, les enfants par exemple, avec ce qu’ils vont voir au musée ou écoutent au concert ? Comment s’approprient-ils tout cela ? Comment l’introduisent-ils dans leur vie ? La limite à dépasser est là aujourd’hui. C’est ici la question de la médiation qui se pose. Il faut maintenant réussir à briser « l’ effet du seuil », celui que l’on ne franchit pas parce que « ce n’est pas pour moi ».

Cependant il ne faut pas oublier non plus les très grandes inégalités d’accès à la culture : on sait par exemple que la plupart des institutions culturelles sont dans les grandes villes, extrêmement concentrées en Île de France, alors que de vastes zones en sont dépourvues. Et pour ce qui est des difficultés financières d’accès on sait très bien que le spectacle vivant reste très onéreux, le musée aussi. Les inégalités sociales continuent à se traduire par des inégalités culturelles. Il en reste de même sans parler des difficultés d’accessibilité pour les personnes handicapées par exemple.

2) Pourquoi avoir choisi comme sujet la démocratie culturelle? Quelle différence avec la démocratisation?

La démocratie culturelle est beaucoup plus large que la démocratisation : on pourrait traduire la démocratisation, par la «  culture pour tous » et la démocratie par la « culture avec tous ». Sauf qu’il ne faut pas oublier que pour avoir une véritable démocratie culturelle il est primordial de ne pas renoncer à la démocratisation : une démocratie qui donnerait à chacun le choix de sa culture sans lui donner accès à l’ensemble des ressources culturelles ne serait pas une démocratie. Une politique culturelle qui ne donnerait à chacun que ce qu’il connait déjà serait un enfermement. La démocratie culturelle se traduit aujourd’hui par la volonté de nombreux acteurs, professionnels, associatifs ou citoyens de s’emparer de ces sujets et de s’impliquer dans ces politiques. Avec l’émergence des droits culturels il y a une petite révolution qui est en marche : dans nos débats au CESE nous nous sommes mis d’accord pour dire que ces droits culturels faisaient partie des droits de l’Homme de manière indissociable, qu’ils concernaient l’ensemble des politiques publiques et pas seulement les politiques culturelles et qu’ils impliquaient, dans le respect de la diversité culturelle, à la fois la liberté de création, la liberté de diffusion, la liberté de participer à la vie culturelle et celle de participer à l’élaboration, à la mise en œuvre et à l’évaluation des politiques culturelles

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3)  Comment cela se traduit il en termes de préconisations?

Nous avons formulé trente-deux préconisations. Je ne vais pas les énumérer mais je dirais qu’elles sont de plusieurs ordres. Certaines ont une portée générale, par exemple celle qui vise à promouvoir la diversité ou celle qui recommande de débattre de la ratification de la convention de Faro. D’autres s’adressent à différents acteurs et peuvent être lues à plusieurs niveaux niveaux : les acteurs institutionnels, Etat et régions, sont concernés par tout ce qui concerne le diagnostic territorial partagé, la mise en œuvre co-construite des politiques culturelles en général. L’avis réaffirme clairement le rôle du service public et la nécessité de son financement. D’autres préconisations concernent tout le monde car l’idée est bien ici de dire que c’est la Cité tout entière qui est concernée par les politiques culturelles : on y trouve des préconisations majeures, par exemple sur l’éducation artistique et culturelle avec notamment un accent mis sur le théâtre avec la proposition d’un diplôme pour les comédiens qui interviennent en milieu scolaire à l’instar de ce qui existe pour les musiciens. En fait ces préconisations sont conçues pour que d’une certaine façon chacun y fasse son marché et s’empare de ce qui lui semble utile. Et quand je dis chacun, c’est avec le souci que personne ne soit exclu, je suis allée par exemple, à la demande des habitants, présenter l’avis dans un centre social de la banlieue de Lyon et nos échanges ont été passionnants et passionnés

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Par Gérard Aschieri

pour lire le rapport et l’avis ici