Cécile Claveirole

Cécile Claveirole est ingénieur agronome, consultante et journaliste indépendante. Membre du groupe des personnalités qualifiée, elle est rapporteure de l’avis « La transition écologique : défis et enjeux » voté en novembre 2016

1) Peux tu définir ce qu’est l’agroécologie et nous préciser ses enjeux ?

L’agroécologie articule deux sciences : l’agronomie et l’écologie. On applique l’écologie à la production agricole : on utilise les interactions qui existent au sein des écosystèmes pour faciliter la production. Cela se traduit par des pratiques agricoles qui ont pour caractéristique de respecter l’environnement et de s’en servir.  Le premier  enjeu est l’amélioration des revenus des agriculteur.rice.s : en réduisant les intrants (engrais, produits phytosanitaires..) on réduit les charges, tout en maintenant le prix de vente des produits voire en l’augmentant. Ensuite ceux.celles qui utilisent l’environnement pour produire le préservent mieux : il en découle une alimentation plus saine. Enfin l’agroécologie permet de maintenir plus d’exploitations agricoles et donc un maillage du territoire avec des acteur.rice.ss plus nombreux.euses qui créent du lien entre eux et avec les consommateur.rice.s.

2) L’élaboration de cet avis ne s’est pas faite sans débats ni tensions : peux-tu préciser quels étaient les points de débat ?

En fait ils portaient essentiellement sur les constats que fait l’avis à propos de l’état de l’agriculture aujourd’hui : constat qu’elle est dans une impasse, constat que les agriculteur.rice.s sont un peu en désespérance,  économiquement et moralement, constat que l’agriculture génère une certaine pollution, que les produits utilisés ne sont pas tous bons pour la santé… Ces constats sont difficiles à admettre pour une partie de la profession agricole et c’est là dessus que l’on a achoppé. Sur les préconisations en revanche il ne s’est pas exprimé d’opposition notable ; pourtant il y en a une  très forte, à propos de la PAC où l’on préconise de passer d’une aide à l’hectare à des aides valorisant les résultats et plafonnés pour limiter la taille des exploitations.

3) Quels sont donc les principaux axes de préconisations au delà de celui que tu viens d’évoquer ?

On insiste beaucoup sur le lien agriculture, alimentation et santé en disant qu’il faut sensibiliser le consommateur.rice aux modes de production agricole et à ce qu’il.elle.s consomment : cela implique une éducation dès le plus jeune âge et si l’on veut que les enfants et les jeunes soient sensibilisés à l’alimentation, c’est à dire faire attention à ce qu’on ingère, il faut  que les enseignant.e.s eux mêmes soient formé.e.s, notamment dans le cadre de leur formation continue, pour les aider à comprendre  l’agriculture, l’environnement. Par ailleurs il y a un besoin de formation des agriculteur.rice.s eux-mêmes et donc de formation de leurs formateur.rice.s, par exemple les personnels de l’enseignement agricole.

Il y a aussi un chapitre sur la recherche parce qu’aujourd’hui on manque de certaines bases pour proposer des références  sur la manière de pratiquer l’agroécologie : une des plus grandes craintes des agriculteurs est de ne pas savoir comment procéder et les réticences viennent souvent de ce manque de références techniques. Il y a tout un volet à mettre en œuvre de recherche/expérimentation d’autant qu’on se rend compte sur le terrain que souvent l’innovation vient des agriculteur.rice.s eux mêmes : il faut donc faire de l’innovation ascendante et mettre en relation agriculteur.rice.s et chercheur.e.s pour que ce qu’ils font chez eux soit expérimenté et modélisé pour être répété chez le voisin.

« Là où il y a de l’innovation, il y a du collectif »

Par ailleurs on constate sur le terrain que là où il y a de l’innovation il y a du collectif : les agriculteur.rice.s disent généralement qu’il.elle.s ont besoin des voisins, de travailler avec eux et il.elles le font dans des collectifs qui ont absolument besoin d’être renforcés et soutenus financièrement pour pouvoir  les accompagner . Il.elle.s n’ont pas tant besoin de conseils comme dans les années 80 mais d’animation et d’accompagnement.

Enfin on encourage les collectivités territoriales à s’investir dans le domaine de l’agriculture et l’alimentation : il existe deux volets, les programme territoriaux d’agriculture durable et les projets territoriaux d’alimentation ; on propose de les rassembler pour mettre autour de la table tous les acteur.rice.s de l’agriculture et de l’alimentation : le but est de manger le plus possible sur un territoire ce qu’on y produit ; ce n’est pas de l’autarcie ; ça vise simplement mettre un peu de cohérence économique et environnementale mais aussi recréer du lien.

Ces questions concernent tout le monde et je suis prête à aller les exposer et en débattre par exemple dans les lycées.

Propos recueillis par Gérard Aschieri

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