Si la Bretagne n’a pas fait partie des Régions les plus durement touchées au plan sanitaire par la première vague de la Covid, aujourd’hui l’incertitude est bien plus grande face au déferlement de la deuxième vague. Quant aux conséquences économiques et sociales de cette crise, la Bretagne qui a déjà été fortement secouée par les effets de la première vague redoute maintenant de nouveaux dégâts
Après un rebond d’activité à l’été dans certains secteurs notamment dans le tourisme et l’annonce rassurante d’un recul significatif du nombre de chômeurs de catégorie A au troisième trimestre, la tendance à l’automne n’était déjà plus à l’optimisme dans notre région où sur un an le chômage de catégorie A a augmenté de près de 10 % et où depuis mars le nombre de demandeurs d’emploi en activité réduite longue a explosé.
En partie amortie par les mesures d’aides gouvernementales, c’est maintenant que gonfle la vague des dépôts de bilan pour les petites entreprises et les commerces. Mais la période du premier déconfinement avait déjà été marquée par les plans sociaux des grands groupes comme Air France-Hop ! ou Nokia profitant de la marée noire annoncée du chômage pour dégazer en mer ! A ces difficultés générales d’autres plus propres à notre région viennent encore s’ajouter dans des secteurs spécifiques comme la pêche ou le transport maritime en particulier s’agissant de la liaison avec le Royaume Uni sous les effets conjugués de la crise sanitaire et du Brexit.
Dans ce contexte social à haut risque, le CESER sous l’impulsion de son Président s’est s’autosaisi d’un rapport sur la crise sanitaire et ses conséquences pour la Bretagne. Un groupe de travail élargi a été constitué fin avril auquel la FSU a été invitée à participer. Au mois de mars déjà, à partir des réponses à un questionnaire adressé à l’ensemble des forces représentées au CESER, le bureau avait adressé au Président du Conseil régional, à la Préfète de région et à la Conférence sociale régionale un avis intitulé « Points de vigilance et actions prioritaires à engager en Bretagne ». Ce premier court rapport annonçait deux autres temps de travail pour le CESER, l’un pour anticiper la sortie de crise et les mesures de « relance », l’autre, plus ambitieux, adossé à ses travaux antérieurs, ayant pour objectif de tirer tous les enseignements de cette crise afin de tracer les perspectives d’un futur désirable pour la Bretagne.
Le « groupe crise » du CESER s’est donc attelé à cette tâche dès le début du mois de mai et il l’a poursuivie durant tout l’été. Le document final issu de ce travail a été présenté en session le 5 octobre dernier – une session pour partie en visio et pour partie « en présentiel » dans l’hémicycle, soumise aux rigueurs des conditions sanitaires de cette période très particulière de « l’entre deux confinements » que nous venons de connaître.
Sans être ni exhaustif ni définitif, ce rapport nous a semblé très intéressant et la FSU l’a voté comme l’ensemble du CESER. La partie « constats », de loin la plus longue, s’avère précieuse, pas seulement en raison de la richesse de ses analyses mais aussi par l’attention qu’elle porte aux situations vécues par les personnes, tout spécialement par celles et ceux qui ont le plus souffert de cette crise ou qui ont encore à en souffrir : les personnes isolées, fragiles, les « premiers de corvée », les malades, les familles touchées voire endeuillées par la maladie d’un proche. Le texte n’oublie pas, bien sûr, la situation particulière des personnes âgées, mais il a su aussi faire place au vécu des jeunes et même des très jeunes dont on ne sait pas encore aujourd’hui quelles traces cette période va leur laisser.
Les échanges au cours de la phase de préparation du rapport ont été très riches, souvent animés, avec, comme on pouvait s’en douter, des positions divergentes parfois très affirmées, sur l’efficacité des « politiques de l’offre » ou le bien-fondé des appels à « recommencer à consommer », ou encore sur la « modernisation » et la « simplification de l’action publique » voulue par certains, voire sur le sens à donner aux notions de souveraineté industrielle ou alimentaire… Certains de ces débats ont d’ailleurs trouvé une traduction concrète sur le terrain si l’on songe, par exemple, à la bataille menée depuis le mois de mars par les organisations syndicales et des citoyens engagés pour donner vie au projet de SCIC « Coop des masques » dans le Côtes d’Armor – projet bien vivant aujourd’hui mais auquel les tenants du « business as usual » se sont ingéniés à trouver un pendant capitaliste à lui opposer n’hésitant pas pour cela à aller chercher un investisseur improbable !
Ces débats auraient mérité d’apparaître autrement qu’en filigrane du texte – ce que la FSU a souligné en session, elle qui a toujours plaidé pour donner davantage de visibilité aux positions divergentes qui s’expriment dans le CESER.
Quoi qu’il en soit, la deuxième partie du texte final fait apparaître un réel consensus de la société bretonne autour de quelques attentes fortes pour « l’après Covid ». Logiquement les quelques lignes de force tracées par le texte reprennent les priorités que le CESER a déjà défendues dans ses différentes contributions aux débats autour du SRADDET et de la Breizh Cop initiée par la Région, ou encore à l’occasion du « Grand débat national » provoqué par le mouvement social des « Gilets jaunes ». Si les exigences exprimées en matière de relocalisation de la production industrielle, d’éco-socio-conditionnalité des aides ou encore de présence des Services publics – dont le rôle est ici reconnu et salué – n’ont rien de nouveau, leur rappel revêt aujourd’hui une acuité particulière.
Lors du débat en session, la FSU a souligné leur importance tout en mettant l’accent sur la priorité à accorder à la jeunesse dont le rapport évoque les difficultés mais sans vraiment regarder au-delà des mesures nationales annoncées. La FSU a appelé pour sa part à un véritable « plan Marshall pour la jeunesse » avec des mesures prenant en compte la totalité des besoins des jeunes, en particulier leurs difficultés, sociales, de santé, de logement, d’alimentation, qu’ils soient salariés, demandeurs d’emploi, étudiants, ou encore à l’école.
Ce rapport n’est ni exhaustif ni définitif et il ne fait qu’esquisser à grands traits des pistes pour des politiques de long terme que les réponses d’urgence ou les plans de relance actuels ne traduisent que très vaguement. Reste qu’il constitue un point d’appui non négligeable qui permet de mettre la balle dans le camp des décideurs. Il pose aussi du même coup la question de la volonté de la Région de répondre à ces attentes et surtout celle de sa capacité à peser dans un environnement économique et politique qui dépasse souvent les limites de la Bretagne.
Jean Marc Cléry
Le rapport et l’intervention de la FSU sont consultables sur le site de la FSU Bretagne https://bretagne.fsu.fr/wp-content/uploads/sites/32/2020/10/Rapport-Crise.pdf
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