Service civique : bilan et perspectives

En 2016 le Service civique a concerné 100000 jeunes; ils étaient 20000 en 2014 et seulement 6000 en 2010 lors de la création de ce dispositif. Cette progression spectaculaire est le signe du succès rencontré auprès des jeunes mais elle est aussi le résultat d’un choix politique fait en 2015, après les attentats du début de l’année, avec l’objectif affiché de toucher la moitié d’une génération d’ici 2020. Quel bilan peut on en faire et quelles en sont les perspectives?

Ce sont ces questions qu’à voulu traiter l’étude de la Délégation à la Prospective et à l’Évaluation des Politiques Publiques. Une étude diffère d’un avis en ceci qu’elle ne vise pas à formuler des préconisations. Toutefois celle-ci trace aussi des pistes d’amélioration et met en garde contre les dérives. Ce travail s’est appuyé sur de nombreuses auditions et sur des rencontres avec des jeunes volontaires du service civique. Le résultat est fouillé et nuancé. Commençant par résumer l’histoire du service civique, l’étude en rappelle les objectifs : favoriser et reconnaitre l’engagement des jeunes, renforcer la citoyenneté et la cohésion sociale; elle examine les résultats disponibles au regard de ces objectifs et montre à la fois les acquis positifs, les limites et les risques.

Le service civique rencontre un réel succès auprès des jeunes volontaires : 89% s’en disent satisfaits ; 95% disent vouloir le recommander aux autres et il y a plus de volontaires que le dispositif ne peut en accueillir. Si les motivations de ces jeunes sont très diverses, depuis l’envie de se rendre utiles à la société jusqu’à la recherche d’une première expérience utile à leur insertion, en passant par la volonté de faire une coupure dans les études ou de sortir de la situation de NEET (ni en emploi ni en formation), tous disent en avoir tiré un bénéfice personnel, même si ce n’est pas nécessairement celui qu’ils recherchaient : s’être sentis utiles, être mieux intégrés, avoir acquis de l’expérience ou découvert leurs potentialités. Et les enquêtes montrent qu’ensuite ils s’engagent bénévolement et participent aux élections politiques plus que les autres. Leur insertion dans l’emploi est aussi meilleure. Du côté des structures qui les accueillent la satisfaction est aussi généralement de mise, avec l’idée que souvent les volontaires n’ont pas seulement apporté un renfort mais aussi un regard différent, des idées nouvelles, des projets innovants. Et d’une manière générale l’expérience du service civique contribue à changer le regard sur la jeunesse.

Mais ces aspects positifs s’accompagnent d’insuffisances et de risques. Parmi les insuffisances on peut relever les inégalités d’accès : le service civique ne touche pas de la même manière tous les jeunes, le niveau d’études et la localisation introduisant des distorsions visibles. Insuffisances également en ce qui concerne l’indemnisation des jeunes et leurs droits. Insuffisances aussi parfois en termes de formation civique et de contrôle par l’agence du service civique..Insuffisance des financements. Quant aux risques le plus important est celui de substitution à l’emploi, notamment mais pas seulement dans les services publics, risque aussi de concurrence avec les salariés dans le partage des tâches ; mais existe également celui d’une forme de concurrence avec le bénévolat. Des zones de débat sont également pointées par l’étude, par exemple la question du temps d’exercice de la mission : ne faudrait il pas mieux le cadrer ? Les avis là-dessus sont partagés.

L’étude esquisse quelques pistes pour remédier  aux problèmes et donner une impulsion nouvelle: par exemple mieux informer les jeunes mais aussi les responsables des structures qui les accueillent, articuler les missions proposées avec des grandes causes nationales, éviter les recrutements sur la base de cv pour privilégier la motivation, mieux encadrer les jeunes, mieux contrôler pour éviter les détournements du dispositif, assurer des financements réguliers et pérennes,… Surtout elle met en garde contre les dérives en prenant clairement position sur certains sujets en débat. Ainsi le CESE s’exprime nettement contre l’idée, souvent reprise dans les discours politiques, de transformer le service civique en service obligatoire : la généralisation du service civique ne peut s’entendre que comme une possibilité offerte à tous et non une obligation. De même il récuse la tentation d’une « politique du chiffre » qui pourrait conduire à de dangereuses dérives.

On a donc au final une étude utile en ce qu’elle fait le tour du sujet de façon équilibrée en donnant à chacun des éléments de réflexion.

Par Eliane Lancette

pour lire l’étude ici