Marie-Béatrice Levaux

Le CESE a adopté  en janvier  un avis consacré à la francophonie :  « Le rôle de la France dans une francophonie dynamique »;  Marie-Béatrice Levaux, membre du groupe des personnalités qualifiées,  en était la rapporteure. Elle a répondu à nos questions

1) De quoi parle-t-on quand on parle de francophonie? D’ailleurs l’avis distingue deux notions selon qu’il y a ou non une majuscule?

La manière dont la francophonie est perçue par les politiques gouvernementales et les populations varie selon les pays. Elle s’écrit avec un F majuscule lorsqu’il s’agit de l’Organisation Internationale de la Francophonie à laquelle adhèrent plus de 84 états et gouvernements. Elle s’écrit avec une minuscule lorsque l’on parle de ce que représente la francophonie dans la vie quotidienne des populations, et dans ce cadre de multiples questions se posent par exemple a t elle un sens dans la vie de tous les jours ou est elle l’apanage des « sachants »? Dans cet avis qui a été élaboré par la section des affaires européennes et internationales – on a choisi un angle : il s’agit de la langue française qui n’est pas la langue de la France mais celle de nombreux états qui ont le français en partage ; et dans ce cadre il y a deux enjeux : d’une part nous questionner sur le rôle de la France dans une francophonie dynamique., une France où le sujet semble trop souvent second, ce qui nous a permis de parler d’orpheline de la francophonie ; d’autre part nous intéresser à l’espace francophone international où la francophonie est peut être plus vivante qu’en France.

2) Peux tu préciser le regard que l’avis porte sur la politique de la France en ce domaine?

En France nous avons à solder une vision de la francophonie du vingtième siècle basée sur une fin d’histoire coloniale, des relations France Afrique qui n’ont pas été à la hauteur des enjeux et une certaine inquiétude de l’opinion et de la presse qui envoie sur la francophonie des messages vieillissants et un peu culpabilisants. L’objectif de l’avis était vraiment de montrer que la francophonie à besoin de France comme la France a besoin de francophonie.. C’est dans cette perspective que nous avons pu apporter des informations et des préconisations aussi bien par exemple sur la francophonie économique que sur la francophonie numérique. Nous avons mis notamment en évidence le peu d’espace francophone européen,qui de surcroît n’est pas utilisé comme tel, les enjeux d’un espace francophone scientifique, éducatif…En fait nous avons essayé de voir dans l’ensemble des environnements qui font le vingt et unième siècle où se situait la francophonie, ce qu’elle pouvait apporter. Mais il ne se passera rien en termes de développement de la langue française comme langue utile aujourd’hui – pas seulement une langue éducative mais une langue qu’on peut apprendre tout au long de sa vie- s’il n’y a pas un effort mondial autour des objectifs du développement durable et en particulier le quatrième, qui porte sur l’éducation et sur lequel nous avonhs fait le choix d’insister : en effet on constate un développement de l’usage de la langue plus important lorsque l’apprentissage se fait dès l’école élémentaire et beaucoup moins lorsqu’il se fait au lycée et encore moins lorsque c’est dans l’enseignement supérieur. Si, avec quelques efforts, nous parvenons à faire du français la deuxième langue la plus apprise au monde nous pouvons faire reculer cette idée qu’au plan international le français serait la langue d’une élite. Si la francophonie devient un acteur d’une certaine conception de la mondialisation on peut parvenir à ce que celle ci ne soit pas liée à une vison unique basée sur les valeurs anglo-saxonnes. Et sur ces points souvent les autres états se demandent pourquoi la France est aussi en retrait..

3) Comment peut on résumer la démarche de l’avis?

D’abord c’est faire que la politique française réinvestisse la francophonie : cela occupe d’ailleurs une partie importante du texte, avec des recommandations symboliques comme celle d’une ministère de la Francophonie mais l’idée de fond est qu’il y ait un portage politique de la francophonie , non pas comme un sujet ringard mais comme un sujet d’actualité et d’ambition pour l’avenir. Le deuxième axe c’est redonner l’envie de francophonie en France, réconcilier nos concitoyens avec ce sujet qui une fierté pour d’autre populations dans le monde mais n’est pas perçu comme tel chez nous. Il s’agit de montrer que le français est une langue en partage dans le monde, que c’est un enjeu pour chacun de soutenir l’utilisation du français dans les instances internationales ou faire des efforts pour éviter une utilisation systématique de l’anglais. Cela signifie aussi requestionner l’apprentissage de la langue française en France. Enfin nous mettons en avant l’importance de fluidifier les relations entre les acteurs de la francophonie, faciliter l’attribution de visas pour les rencontres, universitaire ou sportives, en ne laissant pas primer des considérations de politique intérieure. En fait cet avis est un avis de plaidoyer : il fait des propositions mais vise aussi à une prise de conscience. Tout cela avec une idée : on a besoin d’une vision plurielle et il est toujours intéressant d’aller voir ce que font les autres . Et pour ne pas en rester à de bonnes intentions le CESE sera partenaire de la journée internationale de la Francophonie le 20 mars prochain, pour mettre en acte nos préconisations..d’une fierté francophone en France.

Par Gérard Aschieri

pour lire l’avis : ici