Tour de France : de l’Égalité ou des inégalités ?

L’égalité entre les femmes et les hommes a été consacrée « Grande cause nationale» par le Président de la République pour la durée du quinquennat. Le gouvernement a ainsi lancé en octobre 2017 le Tour de France de l’égalité, auquel  le CESE s’est associé.

La contribution  du CESE, présentée le 23 janvier 2018,  a été illustrée par deux tables rondes. La première  sur l’égalité professionnelle où Sylvie Brunet  a rappelé l’étude qu’elle avait menée en 2012 avec Maryse Dumas: constat d’une  très lente évolution pour ne pas dire d’une stagnation. En 2012 l’écart de salaire entre hommes et femmes était de 27%, il est aujourd’hui de 25% … A travail et responsabilités identiques, la différence entre hommes et femmes est de 9. A cela s’ajoutent les temps partiels volontaires ou « imposés », le soupçon de maternité, la précarité et la pauvreté  qui touchent particulièrement les femmes (85% des familles  monoparentales sont composées d’une femme avec enfant)…autant de sources d’inégalités et d’injustices. Vous pourrez consulter en annexe les interventions  Mme Milewski, économiste de l’OFCE, Sciences Po, ancienne personnalité associée du CESE et rapporteure, au nom de la section du travail et de l’emploi, de l’étude menée sur Le travail à temps partiel en 2013 ;et d’autre part l’intervention de  Sophie Pochic, coordinatrice d’une étude réalisée par la DARES sur 190 accords et plans. En  2012 constat  que seuls 13 % des accords de branche et 9 % des accords d’entreprise conclus portaient sur l’égalité professionnelle. Aujourd’hui, l’étude de la DARES montre que la menace d’une pénalité financière mais aussi tout le travail de persuasion et d’accompagnement des inspecteurs du travail et de la DIRECCTE a obligé les employeurs à s’emparer du dossier de l’égalité au travail. Dans les années 80,  40 accords  avaient été signés , nous en sommes à plus de 15 000 en 2016..

Voir le détail de la table ronde numéro 1

 

La deuxième table ronde était consacrée aux violences faites aux femmes : violences sexuelles et violences sexistes.  . Il a été rappelé qu’une femme mourrait tous les deux jours et demi sous les coups de son conjoint ou de son ex-conjoint, que  70% des femmes harcelées ne portent pas plainte et que 90% des femmes qui portent plainte pour harcèlement moral ou sexuel dans les entreprises sont licenciées… Ces chiffres parlent d’eux-mêmes.

Voir le détail de la table ronde numéro 2

En plus de ces deux tables rondes Cristelle Girard, au nom de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité  dans son exposé des motifs  a  également rappelé que les avancées, si insuffisantes soient-elles, de ces dernières décennies,  ont été obtenues grâce aux mouvements féministes et sociaux. Elle a mentionné  dans les grandes batailles à mener : la lutte contre les stéréotypes, l’exemplarité de l’Etat, Etat qui n’est pas exempt de reproches notamment dans l »accès des femmes aux postes de la Haute Fonction Publique. De manière plus générale, les politiques publiques en faveur de l’égalité doivent être à la hauteur des ambitions affichées… Une « Grande Cause Nationale » ne peut pas se contenter de miettes du budget. La secrétaire d’Etat a annoncé  que les 30 millions de budget dont elle bénéficie, sont d’un niveau jamais atteint… sans doute   mais il n’empêche qu’il reste le plus petit budget de l’Etat et bien insuffisant au regard des besoins recensés. Les 420 millions de budget Interministériel nécessiteraient d’être clairement fléchés si on veut pouvoir en mesurer les effets.

Le bilan de ces dernières années est pour le moins  mitigé, c’est pourquoi le président du CESE Patrick Bernasconi a présenté une  résolution au nom du Bureau articulée autour des 5 axes.

Le premier axe concerne l’égalité professionnelle et  la nécessité de mieux former à ses  enjeux tou.te.s les acteur.trice.s de la négociation, les partenaires sociaux doivent se mobiliser et la négociation collective sur l’égalité professionnelle doit être assortie d’une obligation de résultat. Les agent.e.s de l’inspection du travail doivent être dotés de moyens pour effectuer leur mission et être également formé.e.s à la thématique de l’égalité professionnelle. En ce qui concerne les salaires ,le CESE estime que sanctions financières à hauteur de 1 % de la masse salariale et l’interdiction de soumissionner aux marchés publics pour les entreprises condamnées pour non-respect de l’obligation de négocier  (loi de 2014) doivent être appliquées

Deuxième axe l’éducation à l’égalité et lutte contre les stéréotypes, sur ce sujet le rôle de l’école est central pour construire aujourd’hui la société égalitaire de demain. Il parait donc indispensable de renforcer la lutte contre les stéréotypes, le sexisme ordinaire et les violences sexistes et sexuelles qui en résultent. Il convient de promouvoir une éducation à l’égalité filles-garçons à l’école à travers des actions de sensibilisation et des programmes obligatoires dispensés par des professionnel.le.s formé.e.s. Le CESE préconise de renforcer la formation, en matière d’égalité, des professionnel.le.s de la crèche à l’université. Cette formation doit également intégrer la promotion de la mixité professionnelle afin de valoriser auprès des élèves une représentation non sexuée des métiers et d’endiguer les choix d’orientation stéréotypés.

Pour répondre à l’obligation d’éducation à la sexualité en milieu scolaire inscrite dans la loi du 4 juillet 2001, les moyens financiers qui y sont affectés doivent être fléchés la qualité et l’effectivité des interventions en milieu scolaire doivent être évaluées. Les jeunes ne bénéficiant pas des mêmes opportunités d’information, de sensibilisation et de prévention selon leur lieu d’habitation, le CESE recommande de pérenniser l’éducation à la sexualité en milieu scolaire et d’harmoniser les interventions sur tout le territoire.

Troisième axe et la lutte contre les violences faites aux femmes, un  renforcement  du nombre et de la formation de tou.te.s leurs interlocuteur.ice.s des victimes de violences : policier.e.s et gendarmes (avec des référent.e.s violences en nombre suffisant), magistrat.e.s, médecins, professionnel.le.s de santé. Cette formation doit figurer dans les diplômes initiaux de ces professionnel.le.s. Le CESE  souligne l’importance d’assurer le suivi des plaintes pour violences sexistes ou sexuelles tout au long du parcours afin d’enrayer l’isolement des victimes une fois la plainte déposée et d’assurer la sécurité des plaignantes.

Pour rendre efficiente l’évaluation des politiques publiques, quatrième axe préconisé  le CESE recommande la production de statistiques sexuées pour tous les organismes producteurs, qu’ils soient publics ou privés. L’INSEE doit être moteur en la matière.

L’exemplarité de l’Etat passe aussi par sa responsabilité en sa qualité d’employeur vis-à-vis des agent.e.s des trois fonctions publiques

Enfin sur le cinquième et dernier axe qui concerne  l’argent pour les droits des femmes Le CESE demande l’accroissement significatif du programme 137 « Egalité entre les femmes et les hommes » du budget ainsi que des crédits dédiés aux actions interministérielles en faveur de l’égalité. Il demande particulièrement l’augmentation des moyens dédiés à la lutte contre les violences faites aux femmes et un fléchage des crédits affectés. Il recommande que les actions décrites dans le document budgétaire fléchant les crédits interministériels alloués à l’égalité entre les femmes et les hommes (DPT politique de l’égalité entre les femmes et les hommes) soient clarifiées. Le CESE rappelle la demande inscrite au rapport « Où est l’argent pour les droits des femmes »  de reverser au budget des droits des femmes les retenues sur dotation financière des partis politiques ne respectant pas la parité. Le CESE se déclare favorable à l’expérimentation proposée par le gouvernement d’un budget sensible au genre. Il soutient toutes les initiatives promouvant l’examen des effets différenciés de l’argent public, qu’il soit investi par l’Etat ou les collectivités territoriales.

Enfin le CESE a émis de nombreux avis sur tous ces sujets, comme l’ont souligné de nombreux.se.s  intervenant.e.s. Les constats semblent partagés et pourtant les avancées sont extrêmement lentes. Le CESE a annoncé un bilan en 2019 un seul espoir à formuler que cette fois on puisse constater de réels bougés.

Eliane Lancette