Qui doit payer les risques systémiques ?

Lors de la séance du 13 avril dernier, le CESE a examiné un sujet particulier: le système assurantiel français mis au défi des risques systémiques. L’occasion pour le groupe ASE de faire une déclaration avec le groupe Environnement et Nature sur un sujet quelque peu ardu mais passionnant !

Cet avis, qui tente de répondre aux risques d’in-assurabilité futurs, souligne que le coût annuel moyen des catastrophes naturelles passerait de 1,9 milliard d’euros sur la période 1988-2014 à 3,5 milliards d’euros sur la période 2014-2039, selon France Assureurs. La fréquence et donc le coût des attaques cyber, lui aussi, augmentera ne serait-ce qu’en raison de la numérisation croissante de nos économies. Il est probable que la fréquence et donc le coût des pandémies lui aussi augmentera, surtout si les échanges internationaux et la destruction des écosystèmes par la déforestation et les élevages industriels continuent à se développer.

A cette montée des menaces, les assureurs et la solidarité nationale peuvent-ils faire face ? Voici un élément de réponse : le coût des pertes d’exploitation dues aux fermetures administratives suite à la pandémie ont atteint 180 milliards d’euros, soit 3 fois le montant des fonds propres agrégés des assureurs.

L’assurance repose sur la mutualisation des risques et le caractère aléatoire de la survenance de l’évènement, mais ces deux piliers structurels sont aujourd’hui ébranlés. Ainsi, quand le risque touche tout le monde en même temps, comme pour la Covid, il n’est plus possible que les uns payent pour les autres. Quant aux phénomènes tels que les inondations ou la sécheresse, ils n’ont plus rien d’aléatoire : on est malheureusement sûrs qu’ils vont se produire et que leur fréquence et leur ampleur vont aller croissantes avec chaque dixième de degré supplémentaire que nous n’aurons pas su contenir.

Alors, face à ces menaces de plus en plus fréquentes et de plus en plus amples, on peut se demander si nous sommes condamnés à une alternative consistant à payer des primes d’assurances sans cesse plus élevées pour chacun, ou à compter sur l’Etat pour indemniser en dernier ressort ceux qui subissent les dégâts.

La réponse est non, car dans un cas comme dans l’autre, la fuite en avant qu’incarnent ces prétendues solutions entrainerait la faillite du système. D’où la nécessité d’intervenir sur la prévention, ce que fait justement l’avis au travers de plusieurs préconisations comme celle qui invite les assureurs à renforcer leurs investissements de nature à favoriser la prévention des risques ; ou encore celle qui recommande de favoriser les investissements de prévention sur le bâti et de renoncer au principe de reconstruction à l’identique, au même endroit et avec les mêmes techniques constructives ; celle aussi qui demande de soutenir les investissements de prévention notamment des TPE/PME par un dispositif de suramortissement comptable ou d’un crédit d’impôt ; ou encore la préconisation qui recommande d’orienter les investissements publics vers des projets qui contribuent à la prévention des sinistres de toute nature ; ou enfin celle qui propose d’augmenter la dotation budgétaire du fonds de prévention des risques naturels majeurs (l’ancien fonds Barnier).

Mais bien sur se pose la question du budget de l’Etat. Faut-il augmenter les impôts et si oui, lesquels ? C’est toute la question de la réforme fiscale qui, bien sûr, ne pouvait être traitée dans le cadre de cet avis mais dont le CESE devra nécessairement se saisir, à force de l’évoquer dans ses travaux.

Quant à la solidarité nationale, pourquoi ne s’appliquerait-elle pas aussi aux agriculteurs qui ne peuvent pas s’assurer faute d’une trésorerie suffisante ? Cette question concerne une majorité d’agriculteurs (notamment dans la polyculture, le maraichage, l’arboriculture et l’apiculture).

Un avis donc avec un constat très riche sur un sujet nouveau et souvent technique, et des recommandations couvrant à la fois le besoin de connaissances, les mesures à prendre en matière de prévention, et celles visant à améliorer l’indemnisation.

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