Philippe Jahshan

Le CESE a voté à l’unanimité un avis sur « la politique française de coopération internationale dans le cadre de l’agenda 2030 du développement durable ». Nous avons demandé à son rapporteur de nous en parler : Philippe Jahshan est délégué aux Relations extérieures de Solidarité Laïque, Président de Coordination.Sud et Président du Mouvement associatif. Il est membre du groupe des associations

 

1) Quels sont les enjeux qui dans cet avis doivent intéresser les militants, syndicaux ou associatifs?

Il faut bien voir l’importance de l’agenda des objectifs du développement durable de l’ONU qui vient d’être adopté de façon consensuelle : il sort d’une logique d’aides sectorielles pour mettre en cohérence les divers objectifs en faisant le lien entre croissance économique, emploi décent, durabilité environnementale. C’est le fil de cette cohérence qu’il nous paraît important de tirer. En effet il peut avoir pour résultat d’amener le secteur marchand à prendre part à cette démarche dans une logique de RSE ( responsabilité sociale et environnementale). C’est bien sûr un pari car il s’agit d’un agenda non contraignant mais le fait que l’ensemble des pays ait signé offre une opportunité pour qu’après des années de croissance qui n’a bénéficié qu’à une minorité et a accru les inégalités, on ait une politique de développement qui remette au centre la question des inégalités, celle du travail décent et celle de l’environnement. Là dessus il existe des entreprise qui sont prêtes à jouer le jeu et on peut envisager de bâtir une nouvelle alliance utile entre nécessaire régulation et libre initiative.

2) Quelles sont les lignes de force de l’avis?

La première est sans doute l’appel à rebâtir un consensus national autour d’une politique d’aide au développement : celle ci n’est clairement plus une priorité de la France. Malgré les réformes impulsées pendant ce quinquennat cette politique fait l’objet d’un pilotage éclaté et d’arbitrage budgétaires qui depuis 2010 se sont fait régulièrement à son détriment. La situation internationale, les conflits, par exemple au Sahel, la situation en Afrique,le dérèglement climatique,…tout cela y appelle. L’année 2015 a été une année de grands accords ; nous disons que la France y a joué son rôle mais qu’il faut que cela soit suivi d’effet. Il y a eu un consensus sur la politique de défense et de sécurité mais les militaires eux mêmes disent que leur intervention ne suffit pas, qu’il faut pour rétablir la paix s’attaquer aussi aux racines des conflits, la pauvreté, le chômage …il faut donc un même consensus sur l’aide au développement.

La seconde ligne de force est qu’il faut une architecture institutionnelle qui réponde aux besoins, avec un pilotage plus fort, des moyens financiers au niveau nécessaire et puis il fut faire en sorte que la société civile y soit associée. Une des forces de la France est justement l’engagement solidaire qui existe au sein de cette société. Il faut s’y appuyer davantage.

3) Tu insistes sur le rôle de la société civile mais s’agit il de se substituer à celui de l’Etat ? Ou son rôle doit Il être complémentaire ?

Certainement pas se substituer ! Ce que nous préconisons c’est un renforcement du rôle de la société comme complément ou plutôt comme partenaire des politiques publiques ou pour lui garantir le droit à sa libre initiative. La société civile c’est dans beaucoup de pays destinataires de l’aide la capacité d’action sur les terrains éloignés, dans des endroits où personne ne va, auprès des populations les plus marginalisées. C’est aussi la possibilité d’exploiter la richesse de l’expertise qui est disponible en son sein. C’est aussi la capacité de promouvoir une gouvernance plus démocratique avec des associations représentatives, des syndicats en capacité de négocier et aussi une économie plus équilibrée. Et puis il y a la mobilisation citoyenne que cela permet : les citoyens s’engagent encore massivement aujourd’hui, les dernières études en France le confirment, il y a une envie d’engagement et soutenir cette envie c’est aussi recréer du lien social, lutter contre l’enfermement et le repli sur soi.

Bref il ne s’agit pas de prendre la place des États. Au contraire on appelle à rehausser les moyens publics, à soutenir la capacité d’action des États et par exemple la capacité à lever l’impôt mais en même temps il ne faut pas oublier qu’il existe une société civile qui peut être un espace de mobilisation, d’innovation et de complémentarité.

 

Propos recueillis par Gérard Aschieri

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