Marie Aleth Grard

Marie Aleth Grard est vice présidente d’ATD Quart Monde. Elle siège au CESE en tant que personnalité qualifiée. Rapporteure il y a deux ans de l’avis « Une école de la réussite pour tous », elle a été partie prenante de la journée consacrée à l’anniversaire du rapport Wresinski.

1) Que signifie concrètement être membre du CESE pour toi qui es représentante d’un mouvement comme ATD Quart Monde ?

Pour ATD Quart Monde c’est très important. En effet notre combat est d’abord politique au sens premier du terme : il s’agit de changer la société. Et pour Joseph Wresinski sa nomination au CESE en 1979 a été une étape essentielle : pour lui faire changer la société passait par ce qui à l’époque était le CES et pour nous c’est toujours le cas avec le CESE parce que pour changer la société on doit impliquer la société civile.

Et nous avons l’exemple de toute une série de textes issus du CESE qui ont eu des conséquences en termes législatifs : le dernier est l’expérience « territoires zéro chômeur de longue durée » qui a fait l’objet d’un avis du CESE avant de devenir une loi. On peut citer aussi la loi de refondation de l’école de la République sur laquelle nous avons travaillé dans cette maison et sur la base de ce travail ATDQM a pu intervenir et faire du lobbying auprès des parlementaires, essentiellement au Sénat, pour faire évoluer positivement la loi.

2) Puisque tu parles d’éducation, tu as été rapporteure d’un avis qui a connu beaucoup de succès : depuis deux ans tu es sans cesse en déplacement pour le présenter. Comment analyses tu ce succès ?

C’est sans doute que ce travail a été fait en collaboration avec Jean Paul Delahaye, Inspecteur général, ancien DGESCO, chargé d’un rapport sur grande pauvreté et réussite scolaire. Il m’a ouvert beaucoup de portes à l’Éducation Nationale : j’ai participé à des réunions de recteurs et surtout j’ai pu rencontrer de nombreux enseignants dans leurs classes, des chefs d’établissements, des inspecteurs dans toute la France…Et cela a fait tâche d’huile : je me rends compte que deux ans après il y a toujours des gens qui découvrent ce travail et qui se disent « c’est intéressant, cela nous permet de nous poser des questions sur ce sujet ». Il s’agit à la fois du sujet de la réussite de tous et de celui de la grande pauvreté qui sont très liés et si Jean Paul Delahaye était plus sur la grande pauvreté et l’avis du CESE plus sur la réussite de tous, comme je connais bien la grande pauvreté je peux traiter des deux et faire le lien. Souvent les enseignants sont – à juste titre- mal à l’aise avec ce sujet de la grande pauvreté et cela leur fait une occasion de le mettre sur la table et d’en parler.

J’ai rencontré en deux ans environ 25000 personnes et ça continue : chaque semaine je fais une présentation ; pour des raisons d’emploi du temps je ne peux pas en faire plus mais je m’efforce de répondre à toutes les demandes, que ce soit d’un recteur ou d’équipes d’une petite ville. C’est ainsi que j’ai passé une journée à Chartres à l’invitation de la FSU départementale pour parler de ce travail avec les enseignants et faire un moment de formation ensemble sur la grande pauvreté. C’est passionnant parce qu’on a beaucoup de choses à s’apporter les uns les autres.

3) Le CESE a commémoré le 14 février dernier le trentième anniversaire de l’avis sur la grande pauvreté et la grande précarité économique et sociale: comment as tu vécu cette séance ?

Je n’ai pas participé à toute la préparation de cette journée mais lorsque nous y avons réfléchi au départ, l’option était de montrer l’impact de cet avis sur notre société mais aussi de se poser la question : qu’allons nous en faire demain ? Si je trouve très bien la façon dont on a mis en lumière l’impact sur la société, un impact toujours présent, j’ai un petit regret sur la réponse à la question. Mais là dessus on peut retenir les propos des lycéens d’Aubervilliers : si on les écoute attentivement ils sont vraiment très forts et très intéressants (voir ici). Les propos du recteur de Paris l’ont été aussi. Lorsque j’ai proposé de faire venir ces lycéens et un recteur on m’a dit qu’on ne comprenait pas bien le rapport avec l’avis. Je suis heureuse d’avoir insisté car ces propos étaient très justes en ce qu’ils montrent bien que c’est une politique globale de lutte contre la pauvreté qui conduira à l’éradiquer.

Par Gérard Aschieri

voir l’avis Une école de la réussite pour tous ici