Accès aux médicaments innovants

Le prix d’un médicament « utilisé pour soigner l’hépatite C chronique est vendu 13667 euros la boite (soit 41000 euros pour un traitement curatif standard d’une durée de 3 mois) ». Cet exemple donne la mesure du problème qu’entend traiter cet avis. Il se situe à l’intersection de plusieurs questions : les nouvelles découvertes médicales, leur impact budgétaire, les règles de fixation des prix, l’évaluation de l’efficacité des médicaments et les logiques de marché et de profitabilité des industries médicales et pharmaceutiques.

Le texte de la section des Affaires sociales et de la Santé, porté par Catherine Pajares y Sanchez et Christian Saout, est construit à partir d’un état des lieux étayé. La question de l’accès universel aux nouveaux médicaments y est posée : par exemple pour le traitement du cancer « le coût moyen des thérapies ciblées se situe autour de 50000 euros par an et par patient, soit 5 à 10 fois plus que les chimiothérapies classiques ».

A échelle internationale, ce sont le plus souvent les prix fixés par le marché américain qui servent d’étalonnage, non seulement parce qu’il s’agit  « du premier marché mondial en croissance continue » mais également parce que « les prix peuvent être fixés librement par le producteur ». Ainsi il se crée « un problème d’accessibilité financière dans les pays à moindre revenu ». Cela pose des problèmes philosophiques, éthiques et économiques considérables, « la santé n’étant pas un marché comme les autres, la consommation des soins est contrainte et le financement est sociabilisé ». La recherche est par ailleurs « souvent réalisée par le secteur public avant d’être transférée à l’industrie… ».

Le CESE dénonce donc « un tel contexte, aggravé par la recherche de la maximisation du profit et de la spéculation financière, les prix des médicaments s’expriment toujours à la hausse, parfois même pour des molécules anciennes pour lesquelles les entreprises productrices peuvent faire des opérations boursières ». Cela n’a rien d’une appréciation exagérée puisque pour un certain médicament innovant « le coût est passé de 12 euros à 673 euros et du « jour au lendemain » l’action a augmenté de 5450% ».

L’avis a donc pour objectif par huit recommandations de contribuer à « des solutions réclamant une détermination politique de haut niveau ». Celles-ci sont déterminées par « la recherche d’un nouveau modèle de fixation des prix pour les traitements innovants ».

Ainsi dans le cadre des lois de financement de la Sécurité Sociale des études prospectives doivent être mises en place rapidement pour la détermination de l’impact financier, avec intégration dans le rapport annuel de la Cour des Comptes à l’horizon de dix ans.

Un indicateur unique pour l’évaluation des thérapeutiques innovantes doit être proposé pour mesurer l’efficacité des médicaments en « vie réelle ». Cette évaluation pour les médicaments coûteux permettant la révision des prix.

Une étude sur les évolutions normatives et organisationnelles impliquerait l’inspection générale des Affaires Sociales visant les conditions de détermination des prix au résultat et la fixation des prix à l’indication.

Dans le cadre de « la soutenabilité de la dépense », de « la garantie d’accès pour tou.te.s ceux , celles qui en ont besoin » et vu le prix élevé des innovations un décret daté du 25/03/16 a été promulgué. Il s’agit d’étudier « l’évolution de ses effets » et si «ce décret compromettait l’accès à des thérapeutiques innovantes » il faut prévoir « un droit d’appel ».

Sur le terrain de la « démocratie sanitaire », l’avis préconise de « garantir l’effectivité du principe de représentation des associations agréées dans toutes les instances ayant à statuer en matière d’évaluation et de fixation du prix des médicaments ». Cette préconisation démocratique a une vocation beaucoup plus large car par exemple elle consolide dans sa logique les avancées encore trop timides impliquant les organisations de chômeurs. ( cf : l’avis du CESE : le développement de la culture du dialogue social en France. 24/05/16).

« Le mode de fixation des prix au sein de l’Union européenne est hétérogène ». Le CESE propose donc d’organiser « la coordination au niveau européen pour harmoniser les méthodes d’évaluation » et de « mettre en place des mécanismes nécessaires aux échanges d’information » afin de « garantir une meilleure transparence des prix négociés entre pays européens ». Enfin la faisabilité « de la création d’une Agence de fixation des prix et d’une centrale d’achat européenne, avec adhésion volontaire » est à étudier.

En conclusion face aux marchés sur un sujet sensible, cet avis du CESE intervient pour « contribuer à mettre à disposition de tou.te.s les patient.e.s les traitements innovants et préserver la tradition humaniste et universaliste française ».

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Par Noël Daucé

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