Le financement des PME/TPE

Le tissu économique français se caractérise par le poids très important des petites et moyennes entreprises et des très petites entreprises. « Plus de 99% des entreprises françaises sont des PME/TPE (96% pour les TPE et 3,7% pour les PME) : 3,55 millions de TPE et 136468 PME ». Elles représentent « près de la moitié de l’emploi et de la richesse produite par les entreprises ».

Leur rôle donc en matière de création d’emplois est décisif dans un contexte de chômage de masse et de sortie lente de la crise économique, avec également des enjeux en termes de maillage et de luttes contre les fractures territoriales.

Si l’on raisonne non seulement en termes de gisements d’emplois mais aussi d’efficacité économique au sens de création de valeur ajoutée et d’activité économique réelle, le cœur de cet avis « Les PME/TPE et le financement de leur développement pour l’emploi et l’efficacité » adopté le 15 mars par le CESE et présenté par Frédéric Boccara, est particulièrement intéressant.

Le financement bancaire pèse dans le développement des PME/TPE « entre 60% et 70% des financements empruntés ». Or « le rythme de croissance de l’encours de crédit aux PME/TPE est moins élevé que celui relatif à l’ensemble des entreprises » et « le total du flux de crédit aux TPE…tend même à reculer depuis le premier trimestre 2016 ». » La France est avec la Grèce, le seul pays de la zone Euro où la demande de financement se trouve supérieure à l’offre ».

Par ailleurs deux problèmes sont soulevés, par l’avis, les refus de crédit significativement plus élevés pour les TPE que pour les PME et les taux de crédit là encore en défaveur « des plus petites » avec un effet discriminatoire supplémentaire pour celles des Outre-Mer.

L’avis est construit autour de 23 recommandations.

Le CESE recommande notamment de « moduler à la baisse l’impôt sur le résultat des PME/TPE » mais cela est assorti d’une condition positive « l’affectation de celui-ci en fonds propres à des fins d’investissements productifs, porteurs d’emplois ». Toujours dans le même esprit, l’avis préconise « de faire du développement des PME/TPE une des priorités du dispositif des conventions de revitalisation des territoires en lien avec l’emploi ».

L’aspect de valorisation de « la mission -conseil en gestion-aux dirigeant.e.s d’entreprises ainsi que le renforcement de la culture et de la formation en gestion financière » est inscrit. On peut toutefois regretter que l’apport du service public de l’emploi ait été oublié en matière de conseil en stratégie de gestion de l’emploi, bien qu’il n’appartienne pas au centre du sujet.

Les critères d’attribution des crédits bancaires sont trop construits sur l’évaluation et le suivi de la rentabilité des entreprises et non sur leur efficacité globale, en intégrant l’ensemble des revenus générés. Aussi le CESE recommande « d’enrichir l’information publique sur les crédits accordés…et d’organiser des conférences annuelles régionales et nationale sur le suivi des crédits ».

Face aux défis de la révolution numérique, informationnelle et écologique, le besoin de financement de l’investissement dans les technologies de l’information et de la communication est considérable. Pour appuyer ces transitions, le CESE préconise de « développer des prêts spécifiquement dédiés à la transformation numérique et à l’investissement immatériel » avec un rôle particulier pour la Banque Publique d’Investissement.

La préconisation « de changer la dimension de Bpifrance pour viser l’ensemble des TPE et promouvoir une autre sélectivité du crédit » a suscité un débat contradictoire important. Certains ont développé la mise en réseau de Bpifrance, de la Banque Postale et éventuellement de la SIAGI (société de cautionnement mutuelle pour PME/TPE contrôlée majoritairement par les chambres des métiers et le d’artisanat) afin de créer un pôle public bancaire et financier. D’autres ont vu dans cet outil une déresponsabilisation des banques, une distorsion de concurrence et « un excès de taille ».

Enfin à échelle européenne, post crise, la BCE a initié une série de programmes visant à assouplir et développer les crédits bancaires. Ainsi « le crédit est reparti dans la zone Euro mais essentiellement pour les grandes entreprises pas assez pour les PME ». Le CESE recommande donc « d’inciter la BCE à cibler ses refinancements aux banques de la zone Euro en faveur des PME/TPE selon des critères d’emploi et de valeur ajoutée ».

L’avis précise « qu’il convient de s’interroger sur le besoin de dissuader le refinancement de dépenses de type spéculatif, d’exportations de capitaux, dans la mesure notamment où ces dépenses détruiraient de l’emploi et du potentiel productif ».

On comprend, avec le dissensus sur le pôle public bancaire et ces observations particulièrement justifiées, que cet avis adopté, n’ait pas fait l’objet d’un vote unanime. Le groupe CFDT et quelques personnalités se sont abstenus et celui des entreprises a voté contre.

Par Noël Daucé

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