Le CESE a adopté le 27 novembre dernier une résolution intitulée « la biodiversité en haute mer ». Isabelle Autissier en a été la rapporteure au nom de la section de l’environnement. Elle nous en explique les raisons et les enjeux.
1) Qu’est ce qui explique une telle résolution aujourd’hui?
Le terme « haute mer » s’applique à 46% de notre planète qui sont dépourvus de toute gouvernance. On le sait, l’océan représente 75% de la surface de la planète et les hommes ont cherché à définir et encadrer son utilisation par un certain nombre de règles de gouvernance : en 1982 la Convention de Montego Bay a été un premier pas dans ce sens avec d’une part la définition de la « mer territoriale » jusqu’à 12 milles des côtes, celle de la « zone économique exclusive » qui s’étend à 200 milles et l’établissement d’une autorité internationale qui concerne les fonds marins. Ces règles ne traitaient l’environnement que de façon marginale et ne traitaient pas du tout de la haute mer, ce qui se situe au delà des 200 milles : là, dans cette colonne d’eau qui va des fonds marins à la surface c’est le règne de la liberté la plus absolue ; à l’exception de quelques règles sur la sauvegarde de la vie humaine ou le droit de poursuite pour la piraterie, le trafic des êtres humains ou des règles de protection de quelques espèces, il n’y a pas de règle de droit commune: le droit qui s’applique est celui du pavillon du navire.
Or depuis quelques années cette haute mer est de plus en plus facilement accessible grâce aux technologies modernes. Un mouvement s’est donc dessiné pour demander une gouvernance de la haute mer avec deux dimensions fondamentales : d’une part la protection de cette haute mer dont nous savons qu’elle est fortement impactée par la pollution, la surpêche, le réchauffement climatique, d’autre part l’exploitation des richesses, notamment les richesses biologoques et tout ce qui concerne les recherches sur le génome qui peut donner lieu à des découvertes mais aussi à des appropriations privées et des brevets. Or aujourd’hui la logique est celle de « premier arrivé, premier servi » et se pose la question du partage des avantages. C’est pour cela que s’est ouverte au mois de septembre à l’ONU une négociation qui devrait être conclue en 2020
2) Quels sont donc les enjeux ?
Notre planète est une exception dans l’Univers en ceci qu’elle est couverte d’eau : c’est la planète bleue. C’est grâce à cet océan que la vie a pu se développer sur terre : il constitue environ 96% de la biosphère, c’est à dire du milieu où la vie peut exister : on y connaît 250000 espèces ; on pense qu’il doit y en avoir aux alentours de 10 millions : c’est dire l’étendue de notre inconnaissance sur ce sujet. Cet océan régule aussi 80% du climat de la terre ; il nous fournit 50% de notre oxygène grâce au plancton marin et c’est d’un océan en bonne santé que dépend tout simplement la survie de l’espèce humaine. Ce sont donc des enjeux assez considérables du point de vue de la vie sur cette planète, du maitien des grandes fonctionnalités écologiques mais aussi des enjeux économiques, stratégiques, d’équité internationale.. La négociation lancée à l’ONU vise à établir un instrument juridiquement contraignant qui portera sur la conservation et l’utilisation durable de la biodiversité marine dans les zones qui ne relèvent pas de la juridiction nationale.
3) Mais pourquoi le CESE intervient-il sur cette question ?
Ce n’est pas la première fois que le CESE s’intéresse au sujet : Catherine Chabaud avait déjà été rapporteure d’un avis « Quels moyens de quelle gouvernance pour une gestion durable des océans ?» voté lors de la précédente mandature ; le CESE avait également été signataire d’un appel «La haute mer, avenir de l’humanité » en 2013 ; il était donc normal qu’il poursuive sa réflexion et par cette résolution accompagne le travail de notre ambassadeur à l’ONU en vue de la prochaine session de négociations, prévue fin mars 2019. C’est que la France a un certain nombre d’avantages qui lui permettent de peser dans la négociation: deuxième espace maritime derrière les USA en termes de zone économique exclusive , notre pays est présent dans tous les océans de la planète ; c’est la quatrième puissance navale ; un pays qui dispose d’une recherche de très haut niveau sur les questions maritimes ; il possède la quatrième réseau diplomatique au monde et accueille des grands acteurs économiques maritimes : il a donc une responsabilité de premier plan ; et alors que c’est l’Europe qui négocie sur ce sujet avec le Brexit ce sera le premier acteur maritime de l’UE.
Par Gérard Aschieri
pour lire la résolution ici