Évolution des métiers de la Fonction Publique

Dans la perspective de ses projets de réforme de la Fonction Publique, le gouvernement avait saisi le Conseil économique social et environnemental sur la question de l’évolution des métiers de la Fonction Publique. Il aura du mal à trouver dans l’avis voté en décembre des points d’appui pour sa politique. Bien au contraire, le Cese y réaffirme la validité et l’intérêt du statut de la Fonction Publique, bien loin de cet épouvantail responsable de tous les maux que l’on nous décrit parfois et dont la suppression serait la solution à tous les problèmes.

Ce présent avis fait suite à deux avis précédents que le Cese a rendus, sur L’évolution de la Fonction Publique et des principes qui la régissent, et sur le projet de loi Pour un Etat au service d’une société de confiance. Ces avis l’avaient conduit à développer ses réflexions et ses propositions sur la Fonction Publique et les services publics : il les complète par le présent avis sur la question particulière de ses métiers.

Et sa démarche est toujours autant intéressante dans un contexte où nos dirigeants n’envisagent la Fonction Publique qu’en termes de rigidités et sous l’angle de « possibilités d’économies » sans qu’on ne sache trop dans quel secteur… Personnels soignants ? Enseignants ? Policiers ?. Le Cese tout en confirmant son attachement au statut précise à juste titre que « l’évolution des missions implique l’apparition, la transformation ou même l’extinction de métiers ». En effet il serait bien qu’on arrête de penser que quelques-uns (surtout les syndicats taxés si facilement d’immobilisme par rapport à un monde qui serait tellement « En Marche ») ne voudraient que le statu quo… Il y a bien évidemment besoin d’évolution mais pas n’importe comment. C’est pourquoi, dans l’objectif de répondre aux besoins de la société et d’accompagner l’évolution professionnelle des agents, l’avis propose de s’appuyer sur les potentialités du statut et de rechercher une coordination d’ensemble des évolutions des métiers et de la formation des agents.

Quelques constats à rappeler pour battre en brèche certains poncifs.

Un certain nombre de métiers connaissent aujourd’hui des difficultés de recrutement. Outre les personnels de l’éducation auquel l’avis consacre tout un développement, c’est le cas dans la fonction publique territoriale par exemple pour la filière police municipale ou pour certaines fonctions juridiques et financières. L’obligation de recourir à des recrutements contractuels pour compenser l’insuffisance d’effectifs de titulaires reflète également les inégalités géographiques dans l’attractivité des métiers. Pour le Cese le problème ne réside pas dans le statut mais dans la faiblesse des rémunérations par rapport au privé et dans les conditions de travail.

Des métiers de la Fonction Publique, moins qualifiés, sont aussi confrontés à des problèmes de recrutement. Il s’agit des métiers d’assistance ou d’entretien de catégorie C ou encore des emplois d’agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles (ATSEM). Ces filières connaissent un taux important d’emploi contractuel et un pyramidage désavantageux des emplois qui sont le signe d’une faible valorisation des métiers par les employeurs publics eux-mêmes.

Dans les professions hautement qualifiées, il existe des besoins spécifiques pour lesquels il est difficile de trouver des profils adaptés. Les fonctions relatives à la transition numérique sont en premier lieu concernées. L’avis constate que les restrictions des budgets publics sur les moyens d’investissement et de fonctionnement ont mis certains services dans des situations d’inadaptation chronique de leurs moyens de travail. C’est en particulier le cas dans le domaine de l’informatique faute d’une stratégie pour faire face aux besoins nouveaux liés à la révolution numérique.

Un dialogue social à faire revivre

L’avis préconise dans le respect du cadre statutaire une véritable politique des ressources humaines, accompagnée d’une formation continue conséquente  avec par exemple des mesures de gestion des ressources humaines (GRH), qui à la fois anticipent et  organisent les possibilités de « seconde carrière » par reconversion professionnelle préparée et accompagnée. La fonction RH devra être renforcée. Un plan pluriannuel de formation continue devra être élaboré. Par ailleurs, la pénibilité du travail pour certaines catégories de personnel doit faire l’objet de mesures particulières..

Dans ce cadre le Cese rappelle l’importance  du dialogue social pour la définition des missions du service public et son rôle dans l’évolution des métiers. Il met en avant la fonction essentielle de ce dialogue social dans le suivi des conditions de travail des agents, seul moyen pour les personnels de se faire représenter et d’informer l’employeur sur les risques d’une dégradation des conditions de travail. Le Cese conclut sur ce point qu’il est primordial de conserver le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT), dont la fusion avec le comité technique est envisagée. En même temps il souligne l’importance du rôle des CAP et met en garde contre leur remise en cause. Mais il souligne aussi la nécessité d’associer les usagers et la société civile à la définition des besoins et fait des propositions en ce sens.

Mieux déterminer l’évolution des métiers de la Fonction Publique nécessite de s’interroger sur les facteurs susceptibles de modifier les besoins des services publics. Forte est la crainte que ce ne soit pas la priorité actuelle du gouvernement. Olivier Dussopt n’a pas pu «se libérer » le 11 décembre 2018 lors de la présentation de cet avis …. Espérons que ce n’est pas un signe prémonitoire néfaste pour les préconisations qu’il met en avant

L’avis (lire ici) a été adopté à une large majorité avec aucun vote contre, la FSU a voté pour et Gérard Aschieri, qui a participé aux travaux de la commission, a fait une intervention que vous trouverez ci dessous.

Éliane Lancette

 

Intervention de Gérard Aschieri en séance plénière

Le texte que nous allons voter est le troisième d’une série d’avis où notre assemblée, à la demande du gouvernement, s’est exprimée sur l’action publique et la fonction publique. Il confirme les orientations des précédents et je m’en félicite. Comme les précédents il a le mérite de souligner que le statut n’est pas un obstacle mais au contraire un atout pour faire face aux défis qui attendent l’action publique dans les années à venir.

Comme je l’ai dit à propos d’un précédent avis, ce n’est pas un texte syndical : c’est le résultat d’une réflexion collective et d’un débat sérieux entre représentants de la société civile organisée, partant de points de vue différents pour parvenir à une analyse et des propositions susceptibles d’être largement partagées. Et en tant que représentant d’une organisation syndicale de la fonction publique, la FSU, je considère que c’est ce qui en fait l’intérêt.

Certes mon expérience syndicale me fait émettre quelques réserves, par exemple sur la proposition de postes à profil, parce que, malgré les précautions prises par le texte, existe le risque d’arbitraire. Cependant cette même expérience me conduit aussi à me féliciter de la façon dont le texte définit les grands enjeux de l’action publique et de l’évolution des métiers, de son souci d’associer mieux la société civile, mais également de l’insistance mise sur la formation, notamment continue, de l’accent mis sur la transparence et l’indispensable dialogue social, du souci de prendre en compte le travail des agents… Je pourrais faire un liste des points d’accord mais il me suffira de souligner que ce texte, non content de rappeler la « robustesse » des principes du statut des fonctionnaires en même temps que son adaptabilité, formule des propositions d’évolution qui à la fois illustrent cette adaptabilité et permettent de mieux répondre aux besoins de notre société dans les respect de ces mêmes principes. S’il n’y avait qu’une seule raison de voter pour ce texte ce serait celle-là.

Et en approuvant cet avis je tiens à dire que dans la période que connaît notre pays, l’intérêt de tous est que le gouvernement prenne ces propositions de la société civile pour ce qu’elles sont : le résultat d’une discussion et d’un travail aussi sérieux que responsables.