L’emploi des seniors

Découlant d’une saisine du Premier Ministre et d’un partenariat avec la Cour des Comptes, la section du travail et de l’emploi a été chargé d’un avis sur « l’emploi des seniors », il a été présenté par Alain Cordesse. Le document a été méthodologiquement partagé entre un rapport présentant un panorama des problématiques et situations constatées et l’avis concentrant les préconisations.

Les orientations et directives européennes ont joué un rôle central dans les modifications des conditions de départ en retraite et d’allongement de la vie professionnelle avec des conséquences très fortes sur « l’emploi des seniors ». Depuis plusieurs dizaines d’années les réformes -contre-réformes, serait il plus exact d’écrire- se sont multipliées, à partir des premières en 93 et de leur succession à rythme accéléré du début des années 2000 (2003/2010/2014).

« Pour garantir l’équilibre financier des régimes de retraite, une réorientation des politiques publiques caractérisée par l’augmentation du nombre d’annuités nécessaires à l’obtention d’une pension à taux plein, l’extinction des préretraites à financement public et le report progressif de l’âge de départ à la retraite, a transformé la situation des seniors sur le marché du travail »(…)« Ces réformes se sont assez vites traduites par une augmentation sensible et régulière des taux d’activité et d’emploi des quinquagénaires et sexagénaires… ».

Il est nécessaire de préciser que ce qui est présenté comme une évidence comptable est le résultat de choix politiques plus que contestables, relevant de logiques auxquelles des alternatives existent. L’avis ajoute dans le même esprit : « la croissance de la participation de seniors au marché du travail est appelée à se poursuivre compte tenu de la progressivité de la réforme des retraites votée en 2010 : à réglementation inchangée, l’âge moyen de départ en retraite se stabilisera à 64 ans dans un délai de 15 ans ». Mais « les plus de 50 ans présentent une vulnérabilité particulière au chômage en étant surreprésentés parmi les chômeur.euses de longue durée et de très longue durée ». « En outre, les situations d’inactivité avant la retraite tendent à s’accroitre; elles peuvent en partie être rapportées à des situations de découragements face à une recherche d’emploi infructueuse ».

Une des questions cruciales est donc le maintien dans l’emploi, tant « les seniors sont particulièrement concernés par les licenciements ou toute forme de rupture de contrat et il leur est alors très difficile de retrouver un emploi ».(…)« La faiblesse du taux d’embauche des seniors est assez générale parmi les pays de l’OCDE mais elle est particulièrement marquée en France… » et « en dépit de cette forte spécificité des seniors vis-à-vis de l’emploi, toutes les politiques publiques qui leur étaient dédiées se sont éteintes récemment ».

L’avis contient 17 préconisations structurées autour de 3 axes :

*lutter contre les stéréotypes et rendre effectif le principe de non-discrimination à l’égard des seniors.

*garantir le maintien des seniors dans l’emploi.

*accompagner les transitions professionnelles.

Parmi les préconisations, on peut en souligner quelque unes.

La préconisation 2 :

Former et sensibiliser l’encadrement du secteur public et privé à la gestion des stéréotypes et des discriminations à l’égard des seniors

La préconisation 4 :

Engager des négociations dans la fonction publique sur la seconde partie de carrière.

La préconisation 7 :

Évaluer l’usage et les effets des ruptures conventionnelles individuelles sur l’emploi des seniors. Remarquons que le rapport du CESE constate que celles-ci constituent « souvent une forme de cessation anticipée d’activité » et qu’on « peut s’interroger sur les risques d’effet d’aubaine des ruptures conventionnelles collectives » issues des dernières ordonnances gouvernementales.

La préconisation 14 :

Généraliser le recours au conseil en évolution professionnelle dans le cadre d’un accueil et d’un suivi présentiels des demandeur.euse.s d’emploi de plus de 50 ans par Pôle emploi.

Par rapport à « l’emploi des seniors », le facteur de soutenabilité du travail est bien central. Il pose l’ensemble des éléments lié à la pénibilité du travail, à l’usure professionnel, au vieillissement au travail, aux conditions et à l’organisation du travail. Des mesures effectives concrètes sont donc nécessaires en terme notamment d’amélioration des conditions de travail, d’organisation du travail, d’aménagement du temps de travail de fin de carrière, de temps partiel bonifié…Or là-dessus l’avis  se contente de préconisations peu ambitieuses et souples laissées à l’initiative des branches professionnelles et des entreprises donc à effet aléatoire et peu contraignant.

On pouvait attendre d’autres ambitions et propositions par rapport aux enjeux portés par cet avis ce qui a motivé au final notre abstention.

Quoi qu’il en soit, un avis du CESE à lire au moment où le haut-commissaire chargé de la réforme des retraites, Jean Paul Delevoye, a remis un premier document de synthèse ouvrant les discussions concernant l’avenir des retraites.

Noël Daucé

Pour lire l’avis et le rapport ici