Jean-Louis Cabrespine

« Etudes d’impact : mieux évaluer pour mieux légiférer » tel est le titre d’une étude adoptée par le CESE et présentée en septembre dernier. Elle a été préparée au sein de la Délégation à la Prospective et à l’évaluation des politiques publiques . Son rapporteur Jean-Louis Cabrespine nous explique de quoi il s’agit et ce que propose le CESE


1) Qu’est ce qu’une étude d’impact et quels en sont les enjeux?

La loi du 15 avril 2009 oblige à joindre une étude d’impact aux projets de loi et ce, dès leur transmission au Conseil d’État puis lors du dépôt auprès de l’une ou l’autre des deux assemblées parlementaires. Cette étude doit faire un état des lieux, proposer un diagnostic, éclairer les objectifs poursuivis, dire s’il y a nécessité (ou non) de légiférer, expliciter les modalités d’application. Elle doit montrer l’utilité du projet de loi, dire en quoi il répond à un besoin et répertorier les normes devenues obsolètes, évaluer les conséquences sur d’autres pans du droit, indiquer les consultations menées – notamment celle du CESE – amenant à ses conclusions. Elle doit prendre en compte les conséquences liées au développement durable. Elle peut faire appel à des contributions citoyennes sauf pour les projets de loi constitutionnelle, de ratification d’une ordonnance, de programmation des finances publiques, de règlement ou prorogeant les états de crise. Il s’agit de démontrer la nécessité d’un nouveau texte, d’éviter le recours systématique à la loi si cela n’est pas nécessaire et d’utiliser d’autres options si cela est envisageable. De plus, elle doit s’articuler avec les textes européens en lien avec l’objet du projet de loi.

L’application de cette loi organique a par la suite été complétée par trois circulaires à partir de 2012 afin d’intégrer les enjeux liés à l’égalité entre les femmes et les hommes, au handicap et à la jeunesse. L’étude d’impact est donc un outil essentiel à la « fabrique de la loi ».

2) Quels sont le principaux constats qui ressortent de l’étude du  CESE?

Malgré une procédure précise et complète, nous avons pu constater un certain nombre de dysfonctionnements.Les études d’impact apparaissent trop souvent comme un plaidoyer pro domo du projet de loi pour justifier de façon partiale le bienfondé de ce projet. Elles se révèlent incomplètes lorsque le projet de loi fait l’objet d’amendements conséquents.Le temps consacré à la « fabrique de la loi » en fonction de l’actualité entraîne un calendrier contraint qui ne permet pas de réaliser des études d’impact complètes et suffisamment en amont du projet de loi. Enfin l’information du public et sa contribution aux études d’impact via le site de l’Assemblée nationale n’est que rarement suivie d’effets.

3) Quelles sont les principales pistes de propositions ?

Nous avons tracé des pistes à partir de 2 axes.

Le premier axe porte sur la dimension évaluative. Il s’agit d’abord de favoriser une rédaction et une expertise plurielles:la rédaction des études d’impact devrait être collective, impliquant l’ensemble des administrations, experts, représentants de la société civile. Elle pourrait être confiée soit à une structure correspondant à un SGG « élargi » permettant de coordonner le travail interministériel, le recours à une expertise plurielle et l’accès aux données publiques, soit au ministère porteur du projet de loi en faisant appel à des évaluations complémentaires. Mais la rédaction doit toujours être laissée au Gouvernement et non pas confiée à des organismes privés.

Notre deuxième piste et de faire de l’évaluation préalable un élément de la démocratie participative :  pour cela, il faudrait faciliter l’accès au site web de l’assemblée par des plateformes plus adaptées au public et en encourageant l’exploitation des contributions citoyennes.

Enfin prendre l’étude d’impact comme point de départ d’un cycle vertueux de l’évaluation : celle-ci doit être continue (ex ante, in itinere et ex post) ; c’est possible en reprenant clairement, dans l’étude d’impact, les objectifs poursuivis par la loi afin de favoriser, ensuite, le travail d’évaluation a posteriori. Puis en chargeant le (la) rapporteur(e) du projet ou d’une proposition de loi, pendant toute la durée de son mandat, de faire un compte-rendu sur la mise en œuvre de la loi devant le Parlement. Et en présentant, trois ans après l’entrée en vigueur d’une loi, un rapport d’évaluation tenant compte de ses conséquences juridiques, économiques, financières, sociales et environnementales.

Le second axe porte sur le « mieux légiférer » grâce aux études d’impact .

Avec comme première piste, des études d’impact permettant de mieux éclairer la décision publique. Nous proposons différentes options : un temps minimal d’un mois pour rédiger l’étude d’impact en amont du projet de loi ; un temps législatif qui permette à chaque chambre du Parlement de disposer d’un délai suffisant pour un examen approfondi du projet de texte notamment en commission, avec l’obligation d’évaluer, pour chaque projet de loi, les situations de discriminations potentielles.

La deuxième piste est de développer la culture de l’évaluation et la formation des parties prenantes, essentielle pour des études d’impact pertinentes et complètes. Enfin étendre le champ d’application des études d’impact.

En outre, il faudrait solliciter l’avis du CESE ou d’organismes consultatifs indépendants afin qu’ils participent à un type nouveau d’évaluation préalable de la proposition de loi ; mais également donner au (à la) rapporteur(e) du texte parlementaire la possibilité de commander des évaluations ex ante à des universités ou organismes publics de recherche, demander une expertise à des agent(es) publics(ques) ayant une expérience dans le domaine de la rédaction des études d’impact au niveau ministériel. Il serait nécessaire enfin de faciliter l’accès aux données publiques de l’État et des collectivités territoriales.

Il pourrait être souhaitable d’intégrer les amendements substantiels dans le champ des études d’impact s’il y a une modification du texte initial. Enfin, le CESE considère opportun et faisable de soumettre les ordonnances à une évaluation préalable pour mieux éclairer le Parlement sur les intentions du Gouvernement.

Selon nous, les études d’impact sont utiles si elles sont effectuées préalablement au projet de loi et que le temps nécessaire à leur réalisation soit donné aux administrations compétentes. Elles doivent faire preuve d’une réelle impartialité et des moyens doivent être donnés aux Assemblées pour les utiliser et les compléter si besoin. Nous pensons également qu’elles peuvent permettre de mettre en place une réelle dynamique d’évaluation des lois pour mieux apprécier leur opportunité et leur efficacité lors de leur application.

Par Gérard Aschieri

pour en savoir plus et lire l’étude : ici