Chaque année le Cese élabore et vote un Rapport Annuel sur l’Etat de la France ( RAEF). : cela fait partie des missions que la loi lui confère. On y trouve des analyses souvent intéressantes, des données utiles et des préconisations qui vont pour la plupart dans le bon sens sans être pour autant toujours suffisantes.
Au cours du temps le Cese a cherché la bonne formule pour ce rapport. Depuis quelques années il a choisi de le construire autour de autour des 10 indicateurs de richesse alternatifs au PIB que le conseil avait contribué à mettre au point lors de la mandature précédente.
Y figurent outre le PIB, le taux d’emploi, l’effort de recherche, l’endettement, mais aussi l’espérance de vie en bonne santé, la satisfaction dans la vie, les inégalités de revenus, la pauvreté en conditions de vie, les sorties précoces du système scolaire, l’empreinte carbone, le taux d’artficialisation des sols. On peut discuter de cette liste mais elle a le grand avantage de contribuer à sortir le débat public de ce que Guillaume Duval, éditorialiste à Alternatives économiques et membre du Cese comme personnalité qualifiée, dans son intervention a appelé la « dictature du PIB ».
La plupart de ces indicateurs sont relativement stables d’une année sur l’autre, ce qui ne facilite pas l’émergence de propositions originales. Mais cette stabilité est en elle-même un indicateur : le fait que les inégalités ne se réduisent pas, que notre empreinte carbone ne diminue pas ou que l’artificialisation des sols poursuive inexorablement sa progression, dit malheureusement des choses très importantes sur la société française et sur l’ampleur des changements à y apporter d’urgence. En cela le rapport dit clairement les choses et sa lecture est particulièrement utile. Il y ajoute une analyse intéressante du CREDOC sur « Bien être et cohésion sociale ». Le rapport dresse donc un état des lieux qui rejoint de multiples mises en garde que l’on trouve dans les avis précédents du Cese et son titre « Cohésions et transitions : agir autrement » dit bien la nécessité d’autres politiques pour assurer à la fois les transitions indispensables, notamment la transition écologique, et la cohésion de notre société.
S’agissant des préconisations qui en sont tirées, nombre d’entre elles sont positives et tracent un chemin pour infléchir les politiques publiques actuellement mise en œuvre. C’est le cas par exemple de l’évolution de la fiscalité pour la rendre plus progressive et plus juste pour financer les mutations vers le développement durable, de celle du système de mesure du PIB intégrant les enjeux climatiques, combinée à une politique d’investissement matériels et immatériels, de la refonte des règles de Maastricht pour financer la transition énergétique, de la remise sur le marché de centaines de milliers de logements vacants ou encore de la nécessité d’investir dans la recherche…
Mais ce rapport intervient après l’avis Fractures et Transitions voté au printemps (voir lettre 23, avril 2019) pour répondre à la crise des gilets jaunes et il a du mal à aller au delà, d’autant que dans le même temps se met en place la Convention citoyenne sur le climat . Alors que cette crise a montré l’ampleur et le caractère de plus en plus insupportable des inégalités, notamment territoriales, que le dérèglement climatique et la perte de la biodiversité prennent un tour de plus en plus dramatique, que la nécessité de trouver des solutions articulant transition écologique et justice sociale est de plus en plus pressante, on peut regretter que ces préconisations ne soient pas toutes assez marquées pour être à la hauteur des défis.En effet on ne peut que partager le propos de Guillaume Duval dans son intervention : « Comme cela a été le cas dans le passé, au sein notamment du Conseil national de la résistance, la société civile organisée, rassemblée dans cette enceinte, a une responsabilité essentielle dans la mise au point des solutions novatrices, mais acceptables par le plus grand nombre, indispensables pour surmonter cette crise. Cela suppose cependant que chacun d’entre nous mesure la gravité des enjeux et accepte de sortir des postures habituelles. »
Gérard Aschieri
pour lire le rapport : ici