TAFTA : le CESE donne son avis

Le 22 mars le CESE a voté un avis sur les enjeux du projet de partenariat transatlantique de commerce et d’investissement (PTCI ou TAFTA). Ce texte provient d’une saisine gouvernementale intervenue en 2015 : le travail à donc débuté lors de la mandature précédente et a été achevé au début de celle-ci.

Le résultat, malgré des insuffisances, a le mérite de bien pointer les principaux enjeux de ce traité, d’en relativiser les apports éventuels et de formuler des exigences qui sont autant de lignes rouges. A un moment où s’ouvre un nouveau « round » de négociations de ce traité et où certains font pression pour accélérer le mouvement avant les élections présidentielles américaines ce n’est pas sans importance.


 

A la question des bénéfices nets que l’on pouvait attendre d’un tel accord, le texte répond que « toutes les études convergent sur la modestie des résultats attendus (…) alors que le principal argument mis en avant par les négociateurs (…) porte précisément sur les gains en termes de croissance, de création d’emplois et d’accroissement du pouvoir d’achat ». Il préconise donc de réaliser des études d’impacts préalables par pays et par secteur d’activité, « étayées, plurielles et convaincantes » mais aussi de déterminer clairement les activités concernées par l’accord par des « listes positives » qui empêchent que des secteurs essentiels soient à terme inclus dans la négociation.

Dans une seconde partie l’avis aborde des questions majeures qui sont autant de points clés suscitant des inquiétudes et mobilisations. Il légitime celles ci en y formulant des exigences nombreuses et fermes. C’est le cas par exemple de la transparence indispensable de la négociation : si devant les mobilisations la commission a partiellement levé le voile opaque qui recouvrait les discussions, le CESE considère que cette avancée est insuffisante et émet une liste significative de revendications, depuis l’association de la société civile jusqu’à la tenue d’un grand débat public associant toutes les parties prenantes, en passant par l’établissement de points d’étapes précis assortis de tous les documents nécessaires. Ces idées ne sont pas nouvelles mais il n’est pas indifférent qu’une assemblée comme le CESE, représentant la société civile dans sa diversité, les reprenne.

Il en va de même sur la question de la  « convergence réglementaire ». L’avis exige que le principe de base soit d’aller vers le mieux disant social et environnemental avec l’idée qu’elle ne doit en aucun cas constituer une remise en cause des standards sociaux, sanitaires et environnementaux qui fondent notre société. Il demande une vigilance particulière afin que l’éventuel traité intègre notamment les engagements pris lors de la COP21 et propose de rendre juridiquement contraignants les engagements pris en matière de développement durable.

Troisième sujet sur lequel le texte formule des exigences qu’il considère comme incontournables : le mécanisme de règlement des conflits entre États et investisseurs, c’est à dire des tribunaux d’arbitrage privés où les investisseurs peuvent attaquer les États.

Pour le CESE, il doit exister « un préalable non négociable« :  » l’absolu respect du pouvoir souverain des États à légiférer et à réglementer comme ils l’entendent « . Mais il va plus loin : la commission European_Union_United_States_Locator.svgeuropéenne ayant fait dans la négociation des propositions pour substituer à ces tribunaux d’arbitrage une cour permanente, l’avis ne s’en contente pas et émet des exigences pour que soit mise en place une forme de système judiciaire international et qu’en même temps soient limitées les possibilités pour les entreprises d’attaquer les états , y compris en sanctionnant celles qui en abuseraient.
Ces lignes rouges multiples laissent cependant entière une question, celle de la pertinence et de l’intérêt de poursuivre une telle négociation. Si l’avis mentionne l’existence au sein du CESE de positionnements différents vis à vis de l’accord, il ne prend pas position et ce faisant ne tire pas vraiment les conséquences du fait que les exigences qu’il formule sont bien loin d’être remplies en l’état actuel de la négociation. Au contraire en cédant aux pressions de dernière minute des représentants des entreprises pour réduire la portée de certaines d’entre elles il a pu donner l’impression qu’elles étaient finalement négociables. Cela d’ailleurs a abouti à un changement de vote de certains groupes.

Malgré cette faiblesse il est sans aucun doute intéressant et important pour tous ceux qui sont préoccupés par la façon dont avancent les négociations de lire et débattre de ce texte : ils y trouveront des arguments pour s’opposer au forcing qui se dessine chez certains en Europe.

Résumé, articles, associés et texte intégral de l’avis du CESE, ici 

 

Par Gérard Aschieri et Noël Daucé , mai 2016