Le CESER Guyane : « Un bateau ivre »

Le contexte politique Guyanais est marqué, ces quinze dernières années, par la montée d’un sentiment « national » qui ressemble fort à du « national populisme.Cette période est précédée successivement par une défiance vis à vis des partis politiques, mais aussi, vis à vis des hommes politiques.

En effet, aujourd’hui, tous les partis politiques de Guyane sont en état de mort cérébrale, à l’exception des micros partis dits « indépendantistes ». Les hommes politiques encartés, à chaque élection, sont défaits systématiquement et remplacés par de nouveaux venus qui vont constituer, un bataillon non négligeable « d’électrons libres » sur la scène politique locale. Certains sont tentés par l’ambiance populiste, quitte à frayer avec les thèses du front national, qui en passant, bénéficie dans le département d’une audience non négligeable.

Cette irruption d’un sentiment « identitaire » à la sauce populiste, comme pour pallier les insuffisances des politiques, est accompagné de l’apparition de groupes ou collectifs, parfois sincères. Véritables milices dans leur fonctionnement, hors de tout contrôle, sans orientation politique et encore moins de projet, ils ajoutent de la confusion à une situation déjà bien confuse.

Le terreau est donc en place pour « faire passer » dans la population en général, tout au moins, dans la plus défavorisée en particulier, toutes les idées simplistes des extrêmes.

Le CESER Guyane n’échappe pas à la règle, il est donc traversé de « part en part » par les soubresauts de la société Guyanaise.

Le CESR puis le CESER a d’abord été marqué par une défiance vis à vis des décideurs locaux. Ses délibérations, selon l’alternance, confortaient ou pas, tantôt les uns, tantôt les autres. Cette époque avait le mérite de laisser croire, que ses décisions étaient réfléchies, pensées.

Arrive alors la vague populiste, c’est le temps de la surenchère identitaire qui va donc polluer le véritable débat sur les questions sociétales, la formation, le développement économique, l’emploi, l’environnement.

Désormais pour le CESER, le problème est simple car « binaire » : « pour » ou « contre » la Guyane, sans préciser laquelle et au service de qui. L’abstention n’a plus de raison d’être et le recours au vote à bulletins secrets aux oubliettes !!

Tous les grands dossiers font l’objet d’un avis défavorable, sans débat de fond, comme par exemple : l’exploitation aurifère, et minière, pétrolifère, sur la biodiversité, sur le Parc National Amazonien, etc., etc.

Dans cette assemblée, somme toute respectable, les indépendantistes de tout poil avancent masqués, les autres, MEDEF compris, s’appliquent à donner des gages pour qui sait, récupérer peut être un jour, pas très lointain, quelques miettes.

Dans le même temps le chômage explose, les jeunes restent pour la plupart sans perspective, sombrent dans la délinquance et le trafic de drogue. Aucune solution n’a été trouvée pour mettre un terme à la non scolarisation chronique, à l’indigence de la formation. L’inégalité sociale et spatiale persiste, comme par exemple l’accès aux soins, au logement et au transport, à l’eau, à l’électricité, etc, etc …

Tous les ingrédients, agrémentés d’une forte insécurité, qui ont servi de détonateur au mouvement social de Mars Avril dernier.

Par Alain Bravo, Conseiller économique social et environnemental de la Guyane