Frédéric Grivot

Le CESE a adopté un avis sur les Pôles de Compétitivité. Nous avons demandé au rapporteur de cet avis, Frédéric Grivot, représentant de la CPME de répondre à nos questions sur le sujet.

1)  Pourquoi ce sujet ? quel en est l’intérêt?

La première raison est que la section des affaires économiques où cet avis a été élaboré avait décidé de consacrer l’année 2017 à l’industrie. Ensuite il était prévu une réforme de pôles de compétitivité lorsque Emmanuel Macron était ministre de l’Économie: après sa démission cette réforme a été différée, si bien que l’ensemble des études et des auditions faites par divers cabinets ont été laissées en suspens . Nous avons donc choisi  de travailler sur les pôles de compétitivité comme un des angles de la problématique plus large de l’industrie qui sera traitée dans le prochain avis en cours de rédaction . On a d’ailleurs pu faire des auditions et des entretiens croisés entre les deux avis.

Par ailleurs on voulait répondre à de nombreuses interrogations des acteurs ( chercheurs, entreprises, organismes de formation…) sur la quatrième phase des pôles de compétitivité qui allait s’engager. Après plusieurs rencontres avec ces acteurs, un déplacement à Nantes Saint-Nazaire pour nous faire une idée du fonctionnement de l’excellence nous constations les inquiétudes ressenties . Nous avons rencontré successivement dès les premières auditions Louis Gallois et Louis Schweitzer et cela nous a permis d’avoir deux approches différenciées sur ces pôles : il y a accord pour penser que ce sont des écosystèmes territoriaux qui ont fait la preuve de leur efficacité. On voit bien qu’ils ont permis la mise en relation de chercheurs, d’entreprises et de centres de formation et ils ont créé un ancrage sur les territoires. Mais il faut les actualiser à la fois sur le fond et sur la forme.

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2) La problématique du lien avec l’ensemble de la recherche a-t-elle été prise en compte dans l’élaboration de l’avis?

Oui à plusieurs reprises. En effet il a fallu faire à un moment donné la différence entre recherche appliquée et recherche fondamentale. On a donc vu dans le débat des points de vue divergents : d’aucuns impliqués dans la recherche fondamentale voyaient la nécessité de développer voire mettre en avant cette recherche; d’un autre côté apparaissait le souci de plus en plus fort d’aller de « l’usine à projets » vers « l’usine à produits ». Or l’usine à projets implique de travailler aussi bien avec de la recherche fondamentale qu’avec de la recherche appliquée mais la concrétisation d’une recherche fondamentale à un moment donné n’a rien d’avéré : ce n’est pas son but. Cela a donc posé un questionnement qui a permis de trouver un consensus autour de l’idée qu’il est indéniable que la recherche fondamentale a un intérêt et qu’elle ne doit pas être exclue au profit d’une recherche appliquée plus proche des besoins des entreprises. Par ailleurs il faut regarder comment se fait le financement des travaux réalisés au sein des pôles de compétitivité et nous avons souligné qu’existait le sentiment d’un saupoudrage sur une multitude de projets liée à l’existence d’une multitude de pôles : à l’origine il devait y en avoir une trentaine et on est à 71 pôles; une évaluation et un redimensionnement s’impose. Il nous semble qu’il faut donc privilégier le financement de projets qui pourront au final aboutir au développement économique et donc à la création d’entreprises et d’emplois car c’est l’objectif de ces pôles et il est loin d’être toujours atteint.

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3) Quelles sont les principales préconisations de l’avis?

Si  on résume les idées forces, la première est d’affirmer la nécessité d’un audit de l’ensemble des pôles qui permette de distinguer des pôles à dimension régionale et des pôles à dimension nationale : ces derniers devront s’inscrire dans la logique des neufs priorités industrielles définies par le gouvernement tandis que les pôles territoriaux pourront être dans une logique certes en lien avec la politique nationale mais aussi en lien avec leur berceau d’activité industrielle. À partir de là il y aura lieu de regarder le financement pour que l’équilibre soit respecté entre part des entreprises et part de l’État pour le fonctionnement et entre fonctionnement et financement des projets eux mêmes. Il faudra aussi favoriser le travail inter-pôles. Ensuite nous pensons qu’il faut envisager une ouverture de la gouvernance, en direction notamment des PME-PMI alors qu’aujourd’hui ce sont plutôt les grands groupes qui sont tête de file.Par ailleurs ailleurs un dissensus à été relevé sur un élargissement de la gouvernance à des acteurs autres que ceux définis initialement dans les pôles . Pour y remédier nous avons proposé que soit ouverte une instance externe qui puise guider les pôles afin qu’ils soient dans une logique sociale et sociétale. Enfin nous pensons que la question essentielle reste la formation tant initiale que supérieure afin qu’elle soit au croisement de la recherche et de l’économie . C’est pourquoi l’entrée de docteurs dans les PME PMI doit être développée grâce à des incitations diverses . Cette remarque à été partagée avec un responsable de la direction de la recherche au Ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche.

Par Gérard Aschieri

pour lire l’avis ici