A un moment où partout se dégrade l’accès aux services publics, une étude du CESE met en lumière la situation souvent dramatique des Outre-mer et pointe avec force les enjeux en termes d’égalité réelle. Un travail intéressant et utile qui mérite d’être connu et débattu
« Garantir l’accès aux services publics dans les Outre-mer est essentiel car celui-ci conditionne l’égalité et l’effectivité des droits ainsi que l’intégration sociale et économique des populations. Il en va de l’adhésion des citoyennes et des citoyens ultramarins à la République, mais aussi de leur capacité à développer leurs territoires durablement », c’est en ces termes que l’étude de la Délégation à l’Outre-mer (rapporteurs Michèle Chay et Sarah Mouhoussoune ) définit les enjeux.
Et le constat, détaillé et argumenté, est sans appel . Il rejoint ceux déjà faits par le Défenseur des Droits et la Commission Nationale Consultative des Droits de l’Homme qui a produit neuf avis sur le sujet. En dépit de la loi du 28 février 20174 de programmation relative à l’égalité réelle Outre-mer les disparités restent considérables « non seulement entre l’hexagone, les Outre-mer mais aussi entre les divers territoires d’Outre-mer et au sein même des différents territoires » mettant en cause l’accès aux services publics et l’égalité effective des droits.
Il ne s’agit d’ailleurs pas que d’accès : la qualité des services publics elle-même est en cause. Pour le Cese celle-ci « recouvre à la fois le contenu même du service rendu, mais aussi l’adaptation au besoin et au contexte local, l’accompagnement et la relation à l’usager, en particulier pour des publics fragiles ou locuteurs en langue régionale. »
L’étude analyse les causes de cette situation, notant par exemple le manque d’indicateurs et de données statistiques fiables mais aussi le fait que les gouvernements successifs se sont généralement contentés de réagir aux crises multiples sans plan de développement durable des territoires : « l’État n’anticipe pas suffisamment les besoins de services publics au regard des dynamiques démographiques, des besoins de rattrapage et d’investissement de long terme pour soutenir le développement de ces territoire ». Le Cese souligne ainsi à la fois combien est important le défi de la formation et de l’insertion « d’un nombre de jeunes adultes en forte croissance » et combien le vieillissement de la population de ces territoires est mal anticipé alors que par exemple dans les prochaines décennies « la part des plus de 65 ans devrait représenter plus du tiers de la population en Martinique et 28 % en Guadeloupe ». De même il souligne comment « les dynamiques migratoires » ont des conséquences sur les équilibres démographiques des territoires concernés.
Or en matière budgétaire l’étude reprend des analyses qui montrent à la fois « une architecture budgétaire rendant difficile l’évaluation des priorités affichées pour l’Outre- mer » et des choix historiques privilégiant la défiscalisation par rapport à l’investissement budgétaire. De fait les Outre-mer souffrent d’un sous investissement public : « Des retards importants demeurent en matière d’investissement, notamment dans les infrastructures publiques de base : transport, énergie, réseau électrique, logement, numérique ». L’étude rappelle ce que disait déjà le rapport annuel sur l’état de la France produit par le Cese en 2017 : « la part des Outre-mer dans le total des dépenses brutes de l’État n’est que de 3,6 %. Elle est inférieure aux 4,3 % que pèsent les territoires ultramarins dans la population française. À 120 euros par an et par habitant, les dépenses d’investissement public par habitant sont inférieures en particulier d’un tiers dans les Outre-mer par rapport à l’hexagone (169 euros par an et par habitant). Cela se traduit notamment par l’insuffisance des réseaux et capacités de production électriques ou des infrastructures routières dans certains territoires (en Guyane ou à Mayotte en particulier) ».
L’étude montre également les risques que fait courir la politique de dématérialisation dans les Outre-mer, « partiuclièrement fragilisés par la fracture numérique »
Enfin elle met l’accent sur le manque d’attractivité des services publics en Outre-mer et la difficulté d’y pourvoir nombre d’emplois publics dans certaines régions alors que d’autres connaissent d’importantes « files d’attentes » pour y accéder. A cela s’ajoute le fait que « les agents publics sont souvent mal préparés à des conditions d’exercice qui peuvent être plus exigeantes Outre-mer que dans l’hexagone ». Or « face aux difficultés, la politique de compléments de rémunération trouve ses limites »
Dans sa dernière partie l’étude décrit la situation dans chacun des domaines de l’action publique : santé, éducation, droits sociaux, sécurité, justice, accès au droit…avec une analyse détaillée et documentée qui montre les conséquences à court et long terme et le risque de fractures territoriales aggravées.
L’étude ne se contente pas de décrire : tout au long du propos sont mises en avant des pistes pour répondre aux constats et avancer. Nombre d’entre elles sont évidents, certaines ont besoin sans doute d’être discutées mais les idées force sont à la fois la nécessité d’évaluer, de penser le long terme celle d’investir massivement et en même temps de prendre en compte les spécificités des Outre mer.
Au total une étude qui mérite d’être connue et débattue.
Gérard Aschieri
pour lire l’étude : ici