La commande publique responsable

Derrière un titre aux apparences techniques la question de la commande publique responsable qui a fait l’objet d’une étude de la délégation à la prospective et à l’évaluation des politiques publiques renvoie à d’importants enjeux économiques, sociaux et environnementaux. Elle concerne en effet 200 milliards d’Euros, soit 10% du PIB et 132000 acheteurs. Un levier insuffisamment exploité.

Les collectivités territoriales représentent 50% des commandes, l’Etat 15%, les hôpitaux et bailleurs sociaux et acheteurs divers 35%. La question qui est posée est de savoir comment ces commandes publiques peuvent intégrer des dispositions favorisant la protection ou la mise en valeur de l’environnement et du progrès social, mais aussi prendre en compte l’intérêt de l’ensemble des parties prenantes, réaliser des économies « intelligentes » au plus près des besoins et intégrer toutes les étapes du marché et de la vie des produits ou de la prestation.

Ce n’est pas si facile que cela car les marchés publics sont soumis à des règles françaises et européennes qui visent à empêcher tout favoritisme ou corruption. Cependant ces règles ont évolué récemment pour justement permettre des pratiques qui ne se contentent pas de comparer les prix mais prennent en compte les dimensions environnementales et sociales; elles permettent notamment d’introduire des clauses sociales et environnementales, de comparer les coûts sur l’ensemble de cycle de vie des produits, recyclage inclus; elles autorisent l’allotissement (la division des marchés en lots accessibles aux PME et producteurs locaux), le sourcage ou sourcing (la possibilité pour les acheteurs et les fournisseurs potentiels d’échanger pour mieux connaître les besoins et les possibiltés), les marchés réservés pour les entreprises d’insertion des travailleurs handicapés ou de personnes éloignées de l’emploi, le recours à des labels….

Pourtant ces possibilités nouvelles sont insuffisamment utilisées, pour de multiples raisons : manque d’intérêt des élus, frilosité et manque de formation des acheteurs, complexité des procédures à mettre en œuvre. Ainsi si le dernier plan national d’action pour les achats publics durables (PNAAPD) couvrant la période 2014-2020 a notamment fixé pour objectif que 30 % de marchés intègrent à terme une disposition environnementale et 25 % une disposition sociale, les dernières statistiques disponibles montrent que seulement 10% des marchés comportent des clauses environnementales et 8% des clauses sociales. Et lorsqu’on regarde les clauses sociales on s’aperçoit qu ‘elles sont essentiellement concentrées sur le levier de l’insertion. Quant aux TPE/PME elles sont encore trop souvent écartées au profit des grands groupes. Le sous titre de l’étude « une levier insuffisamment exploité » est donc bien justifié.

Une étude du CESE n’est pas censée comporter des préconisations ; celle-ci cependant s’efforce de tracer des pistes d’améliorations : pour l’essentiel elles visent à aider acheteurs et forunisseurs à mieux profiter des souplesses offertes par les textes actuels. Ainsi elles insitent sur la formation des acheteurs publics et l’échange de bonnes pratiques, sur le développement du sourçage. Elles invitent à examiner pleinement les critères d’attribution et les conditions d’exécution des marchés pour élargir la notion de clauses sociales, mieux mesurer l’impact global en matière environnementale en intégrant notamment les coûts induits des externalités négatives et positives, prendre en compte des démarches RSE en encourageant les labellisations et les référentiels professionnels.et pour faciliter l’accès des TPE/PME.. Tout cela implique également un suivi en mettant en place des outils de mesure des progrès sur une base annuelle.

Mais ces améliorations possibles, pour importantes qu’elles soient, ont leurs limites; les dépasser implique d’interroger les régles européennes et remettre en cause certains principes : l’étude mentionne par exemple celui  qui interdit la possibilité de mentionner l’origine des produits (notamment AOP et IGP) afin de faciliter les achats de proximité et l’approvisionnement local  ou celui d’ouverture sans contrepartie du marché européen afin d’orienter massivement la commande publique vers les TPE/PME européennes.

Par Gérard Aschieri

Pour lire l’étude ici