Jean-Karl Deschamps

En mai dernier le CESE a adopté un avis intitulé « Pour une réforme globale de la fiscalité locale ». Nous avons interrogé Jean-Karl DESCHAMPS, un des deux rapporteurs: secrétaire général adjoint de la Ligue de l’Enseignement, il appartient au groupe des Associations.

 

1) Quels étaient les motifs et les enjeux de ce travail?

La section « économie et finances » du CESE avait rencontré à plusieurs reprises cette problématique, que ce soit quand on débattait de la situation nationale ou quand on entrait sur des sujets plus spécifiques : par exemple la question des entreprises est impactée par celle de la fiscalité locale; de même la question de la contribution des citoyens à l’effort collectif passe certes par la fiscalité nationale mais aussi par leur contribution à l’échelle des territoires. Et cette problématique a été amplifiée lorsque, Emmanuel Macron, lors de la campagne présidentielle a proposé la suppression de la taxe d’habitation. Tout cela a conduit le CESE à se poser cette question de la fiscalité locale. L’enjeu c’est d’abord le financement des services publics et des politiques publiques portées par les collectivités locales. Quand on parle fiscalité on évoque souvent les dépenses mais nous avons voulu réaffirmer que penser fiscalité c’était d’abord penser investissements, notamment dans les services publics pour répondre au besoins et aux demandes de plus en plus pressantes. L’enjeu ce sont aussi les modalités de ces financements qui doivent être plus transparentes, plus claires et plus justes. Le système de fiscalité locale est daté et à bout de souffle et il est caractérisé par une espèce de sédimentation de dispositifs et de modifications qui complexifient et obscurcissent tout le système: par exemple des exonérations décidées par L’État ou des décisions politiques comme les transfert de compétences. Il est de plus en plus difficile d’avoir une vision claire de la fiscalité locale et de ses conséquences, y compris pour les spécialistes. Et bien sûr cela est source d’inégalités importantes. Enfin dernier enjeu: adapter cette fiscalité à un paysage institutionnel qui a beaucoup évolué ces dernières années.


2) Que propose donc l’avis pour remédier à cette situation?

Nous n’avons fait que six préconisations. Comme nous n’avons ni les moyens ni l’expertise de Bercy nous n’avons pas voulu nous lancer dans des préconisations techniques mais préféré mettre en avant des axes politiques, des orientations. L’esprit en est de constater que le système est à bout et qu’il faut donc le réformer mais le faire dans le cadre d’une démarche de coopération entre les divers types d’acteurs : ce ne peut pas être à notre avis une réforme imposée d’en haut par l’Etat. Il faut penser globalement la fiscalité avec une réforme nationale intégrant une réforme de la fiscalité locale ; et le pragmatisme conduit à considérer que pour cela il peut été intéressant de commencer par la fiscalité locale. Cela implique un travail de concertation et de coopération avec l’ensemble des acteurs, en incluant les contribuables et ceux qui portent des politiques publiques, les associations par exemple. Cela se décline en une série de préconisations. L’une préconise la mise en place d’un dialogue permanent entre l’Etat et les représentants des collectivités mais aussi des trois chambres instaurées par la Constitution, pour à la fois partager l’analyse de la situation économique, en partager les orientations et à partir de là décider de la manière dont les comptes publics sont gérés : il faut sortir d’une démarche descendante où c’est le gouvernement qui décide de économies à faire sans débat. Pour cela nous proposons que la Conférence Nationale des Territoires instaurée par la loi NOTRE prenne une compétence nouvelle : celle de ce dialogue mais aussi celle de la répartition des recettes. En effet la logique ancienne de l’autonomie fiscale des collectivités ne correspond plus à la réalité : les impôts et taxes locales ne représentent plus qu’une part réduite des recettes des collectivités, quasiment rien pour certaines. D’où la volonté d’affecter une part des recettes fiscales nationales aux collectivités locales en les associant à cette répartition et en le faisant en cohérence avec leurs compétences: par exemple affecter une part de la Tva aux régions qui ont la charge du développement économique ou une part de la Csg aux département qui ont le social dans leurs compétences . Mais pour éviter les a coups nous préconisons de conventions triennales entre l’Etat et les collectivités pour sécuriser leurs financements. Et nous préconisons également de simplifier l’organisation du système fiscal et de concentrer sur deux des strates actuelles la responsabilité de lever l’impôt : la région et l’intercommunalité : cela ne préjuge en rien de la disparition des autres niveaux mais implique de développer les coopérations entre collectivités. Enfin nous proposons qu’une conférence citoyenne sur la fiscalité locale intervienne deux fois par mandat pour que les citoyens soient associés aux débats et aux informations.

3) Ces préconisations ont elles fait débat?

Il y a eu des abstention et beaucoup de débat notamment autour de deux préconisations. Nous avons donc naturellement choisi d’inscrire dans l’avis, sur ces sujets deux disensus sur ces sujets. Certains ont craint que concentrer les recettes sur deux strates ne se traduise par la disparition des deux autres, en particulier la disparition des communes au profit des intercommunalités : notre texte précise que nous n’entrions pas dans ce débat mais je peux comprendre cette réticence. L’autre disensus portait sur là proposition d’affecter une part de la Csg aux départements, la critique étant que la Csg était destinée à financer le médical et le social et que cela était une compétence nationale. On est sur des postions politiques qui sont respectables. Cela dit le texte a largement été voté.

Par Gérard Aschieri

pour en savoir plus et lire l’avis : ici