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Il y a deux semaines le CREDOC publiait le résultats d’une enquête montrant comment gagne du terrain l’idée que la pauvreté et la précarité sont une affaire de responsabilité individuelle. 75% des personnes interrogées considèrent qu’il est parfois plus avantageux de vivre avec les minima sociaux qu’avec un salaire peu élevé et le taux de ceux qui attendent une action plus importante de l’état envers les plus modestes est passé en moins de 20 ans de 62% à 49%.Dans ce contexte le vote par le Cese d’un avis proposant d’éradiquer la grande pauvreté à l’horizon 2030 ne doit pas laisser indiffèrent.
L’avis, accompagné d’un important rapport, est issu du travail d’une commission temporaire qui a siégé quasiment pendant un an avec pour rapporteurs Marie Hélène Boidin Dubrule ( groupe des entreprises) et Stéphane Junique ( groupe de la mutualité). Elle a déjà produit un avis sur les personnes vivant dans la rue ( voir lettre numéro 21 janvier 2019 ). Le présent avis se place dans la continuité de ce dernier et on doit se réjouir des ambitions qu’il met en avant à un moment où le gouvernement affiche des projets de revenu universel d’assistance et de réforme de l’indemnisation du chômage qui risquent de constituer une régression pour les plus pauvres et les plus précaires.
Le rapport, s’appuyant sur de nombreuses auditions, universitaires, responsables publics, acteurs associatifs et syndicaux mais aussi personnes en situation de grande pauvreté, a le mérite de faire percevoir ce qu’est la réalité multiforme du déni de droits que vivent ces personnes et de pointer les carences des politiques publiques en ce domaine.
L’avis propose un ensemble de mesures cohérentes qui, même si certaines formulations sont des compromis, permettent d’avancer résolument dans la direction d’une réponse collective et de politiques publiques ambitieuses.
Et on peut se féliciter que l’axe directeur de cet avis soit celui de l’effectivité des droits, comme cela a déjà été le cas pour les personnes vivant dans la rue: en effet même si l’empathie est importante il ne s’agit pas ici d’une question de générosité ou de charité mais de cohésion de notre société, de vivre et faire ensemble, de démocratie. Et celle ci implique l’effectivité des droits fondamentaux pour tous, sans condition. L’avis traite bien sûr du droit au logement, à la santé, à l’emploi mais il a le mérite de ne pas oublier les droits à l’éducation et à la culture, essentiels pour faire société.
En outre il met l’accent à juste titre sur la question du revenu social minimum garanti sur lequel le Cese s’était déjà prononcé ( voir lettre 10 mai 2017). Affirmant que la lutte contre la grande pauvreté nécessite de ne pas se contenter de redéployer des moyens existants, il rejette l’idée de toute contrepartie ou condition pour l’attribution d’un tel revenu, tout comme celle d’y intégrer l’APL et propose de l’étendre sous des conditions à déterminer à tous les jeunes de 18 à 25 ans qui ne sont ni en emploi ni en formation. Quant à son montant il préconise de le fixer en ayant comme critère que personne ne vive avec moins de 50% du revenu médian ( ce qui aujourd’hui équivaudrait à 855 euros). Et il préconise un ensemble de mesures pour lutter contre le non recours, à commencer par l’automaticité de l’attribution de ce revenu.
Un partie de l’avis est consacrée à des propositions sur le travail social et son organisations, sur l’importance de prendre en compte les personnes dans leurs particularités et de dégager pour cela le temps nécessaire tout en favorisant l’initiative des travailleurs sociaux. Une autre partie est consacrée à la valorisation de l’action des bénévoles et à l’aide aux associations
Pour atteindre l’objectif ambitieux qu’il promeut l’avis propose une loi de programmation à élaborer en associant les personnes en grande pauvreté elles mêmes
En effet- et ce n’est pas la moindre qualité de cet avis- le texte est irrigué par l’idée de faire participer les personnes en situation de grande pauvreté à la co construction des mesures les concernant : c’est indispensable si on se place dans une logique de droits et de démocratie.
On peut certes regretter des insuffisances lorsqu’on examine les mesures unes à unes mais ce qui est important c’est que par le vote du Cese la société civile organisée ait pu afficher de façon consensuelle un avis qui va à l’encontre d’un discours dominant et de politiques à courtes vues qui risquent d’aggraver encore plus la pauvreté et la précarité dans notre pays.
Par Gérard Aschieri
pour lire le rapport et l’avis : ici