Comment relever les défis de l’élevage français pour assurer sa pérennité ?

Le CESE vient d’adopter cet avis sur l’élevage qui arrive dans une actualité ou l’agriculture est sur le devant de la scène. Nous avons demandé à Marie Noëlle Orain du groupe ASE, qui a co-rapporté ce texte avec Anne Claire Vial, de répondre à quelques questions.

Pourquoi rendre un avis sur ce sujet maintenant ?

La question de l’impact de l’élevage dans les émissions de GES est récurrente dans les médias mais aussi dans de nombreuses publications, tels que les scénarios de neutralité carbone de l’ADEME ou encore un récent rapport de la Cour des comptes.

Ces études nous ont fortement interpellé, non pas sur la responsabilité du secteur de l’élevage dans les émissions de GES mais sur les solutions envisagées. Les principales orientations allant vers une diminution de l’élevage et en particulier l’élevage bovin sans que soit pris en compte ses impacts positifs : captation du carbone dans les sols grâce aux prairie, préservation de la biodiversité grâce aux haies, dynamisme des territoires, source d’emplois. Le secteur de l’élevage est à la fois contributeur au réchauffement climatique mais aussi frappés par ses conséquences et porteur de solutions.

La commission Territoires, agriculture et alimentation du CESE s’est saisi de cette question afin d’apporter une vision partagé du maintien et de la transition de l’élevage vers un système tourné vers l’agroécologie.

Quels sont les principaux constats de l’avis ?

La situation de l’élevage s’est fortement dégradée depuis plus de 40 ans. On assiste à une forte déprise du secteur sur nos territoires, avec de lourdes conséquences économiques et sociales, ainsi qu’à une forte spécialisation dans certaines régions emportant de nombreux effets environnementaux négatifs.

Peuvent aussi être cités l’augmentation des importations de viande, des politiques publiques mal adaptées à la transition des systèmes d’élevage, tout comme un secteur de la recherche dont les objectifs doivent être réorientés vers un élevage répondant aux enjeux actuels.

La question de la consommation de viande et des changements de pratique des citoyens et citoyennes interrogent aussi sur l’avenir du secteur français de l’élevage.

Dans toutes les filières, différents modes d’élevage coexistent actuellement. Chacun d’entre eux présente des atouts et des inconvénients en termes de viabilité socioéconomique, d’impacts environnementaux, d’emplois, de dynamique des territoires ou encore de bien-être animal.

Il était important pour nous de souligner l’ensemble des impacts négatifs de l’élevage sur le plan environnemental, sans pour autant oublier ses impacts positifs, question trop souvent délaissée lors des débats.

Quelles sont les préconisations clés ?

Les préconisations sont réparties en trois axes. Le premier incite à renforcer, réorienter et mieux diffuser les travaux de recherche. Ainsi, nous proposons de réaliser la synthèse des recherches, expérimentations et travaux existants sur l’élevage afin de construire un grand programme de recherche ayant pour but de relever les défis actuels. Nous souhaitions aussi encourager les éleveurs et éleveuses forts des expériences qu’ils mènent sur leur ferme, puissent accéder à un statut des éleveurs-innovateurs, en les associant aux travaux de recherche et en valorisant cette prise de risque par un dispositif fiscal comme le crédit-impôt recherche. Des programmes de recherche menés au plus près du terrain, avec les premier·es concerné·es, semble une solution opportune pour s’assurer de leur cohérence et pertinence.

Le deuxième axe renvoie à la mobilisation des politiques publiques, aussi bien nationales qu’européennes. Nous avons donc souhaité que soit préparée une réforme de la Politique agricole commune (PAC) -sur la base d’une évaluation de ses derniers résultats – pour qu’elle prenne en compte les défis de l’élevage et qu’elle déploie des programmes d’action régionaux, c’est-à-dire directement sur les territoires, en privilégiant le modèle vertueux de la polyculture-élevage. Nous avons aussi proposé que soit mis en place un grand plan d’investissements et de transformation par territoire, s’appuyant sur les programmes alimentaires territoriaux (PAT). En effet, la pérennité de l’élevage ne peut être assurée que si l’ensemble du territoire est pensé avec et atour de celui-ci : présence d’outils de production, de distribution et de transformation, filières locales d’acheminement, débouchés locaux etc.

Enfin, le troisième axe appelle à mieux informer et sensibiliser les consommateurs et consommatrices sur les enjeux relatifs à l’élevage. Cela passe notamment par la mise en œuvre d’actions de communication (programmes scolaires et réseaux sociaux pour les plus jeunes, visites de fermes…) adaptées aux différents publics afin d’expliquer les réalités et les impacts positifs des modèles d’élevage vertueux. Cela implique aussi de mieux informer les citoyens et citoyennes sur la provenance des produits afin de les encourager à privilégier ceux issus d’élevages durables, par le biais d’un affichage environnemental clair et fondé sur des critères transparents et partagés. Nous avons aussi rappelé la nécessité de faire respecter l’obligation d’indiquer l’origine nationale des viandes et des produits laitiers, notamment dans les plats servis en restauration hors domicile et dans les produits transformés, conformément à la réglementation.

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