Christian Chevalier

Le CESE a adopté à une large majorité un avis intitulé « L’éducation populaire : une exigence du XXIème siècle ». Ses rapporteurs en étaient Jean Karl Deschamps, du groupe des associations et Christian Chevalier, du groupe UNSA. Ce dernier a répondu à nos questions

1) Pourquoi cet avis et pourquoi aujourd’hui ?

Au départ cet avis était un peu « ex nihilo ». Aujourd’hui il est en prise avec la situation politique et sociale de notre pays. Le travail avait démarré en septembre, bien avant le mouvement des Gilets Jaunes : l’objectif était de mettre en lumière le rôle, la démarche et les méthodes de l’éducation populaire parce qu’il nous semblait qu’il y avait là un enjeu important. Avec un paradoxe : il n’avait jamais été traité au CESE alors qu’une bonne partie de ses membres- au moins le tiers- sont des acteurs de l’éducation populaire ou sont passés à un moment de leur vie par l’éducation populaire.

Ce qui est intéressant, c’est que l’actualité est venue percuter cet avis : on voit bien avec ce mouvement des Gilets Jaunes que l’aspiration à une forme différente ou complémentaire de démocratie est dans l’air du temps ; on avait déjà pu le percevoir avec des phénomènes comme les ZAD ou Nuit debout. Nos concitoyens en ont assez de ne pas être co-producteurs en amont des décisions publiques qui pourrait s’appuyer sur leurs expertises d’usage. Or précisément l’éducation populaire propose les outils pour cette coproduction. Notre travail collectif est donc entré en résonance avec cette actualité politique et sociale.

2) Quels ont été le principaux débats dans l’élaboration de cet avis?

Une des difficultés de l’éducation populaire réside dans une double caractéristique : d’une part il y a une demande de reconnaissance, ne serait-ce que parce qu’elle est souvent peu visible et depuis des années ne bénéficie pas d’un portage politique et parce que ses acteurs ne savent pas toujours mettre en valeur ses apports ; d’autre part ces acteurs sont farouchement attachés à leur indépendance. L’une des questions source de débats a été de savoir comment préserver et renforcer le soutien des pouvoirs publics parce que l’éducation populaire relève de l’intérêt général et en même temps préserver son indépendance, sa capacité d’initiative et sa liberté de parole. En effet les structures de l’éducation populaire permettent ici ou là de pointer des défaillances, de faire des propositions, d’innover. Les exemples ne manquent pas : par exemple le droit à l’avortement doit énormément au travail d’éducation populaire qu’ont fait des organisations comme le Planning Familial . De même la question du droit au logement est portée par diverses associations comme le DAL qui relèvent également de l’éducation populaire. De fait les acteurs de l’éducation populaire sont souvent des précurseurs dans notre société.

Par ailleurs dans les débats que nous avons eus, un élément m’a frappé : autant était partagée la volonté  de promouvoir l’éducation populaire, autant il fallait de ne pas mettre sous le tapis les difficultés propres de ses organisations, par exemple en termes gouvernance, de vieillissement militant, de parité, d’intégration des jeunes ou d’adaptation aux outils numériques: il a fallu trouver un point d’équilibre entre les deux.

3) Peux-tu résumer les principales orientations de l’avis ?

Il y a un premier sujet important, c’est celui de la reconnaissance et du portage politique de l’éducation populaire: l’avis propose d’une part la nomination d’un délégué interministériel et, d’autre part, de veiller au lien essentiel avec les territoires. C’est pour cela que la première des préconisations est celle de la création d’une structure ou d’un espace où puissent se retrouver des organisations d’éducation populaire pour travailler ensemble, contribuer à construire l’indispensable lien social et à promouvoir la capacité de nos citoyens à penser et agir collectivement.

Le deuxième élément qui me semble important est de reconnaître la capacité d’innovation de l’éducation populaire, avec en toile de fond la question de l’essaimage de cette innovation et des démarches de l’éducation populaire : d’où notre la proposition de créer un fond d’innovation pour reconnaître celle-ci et y investir : l’innovation sociale est aussi importante que l’innovation économique.

Enfin il y a toute la question de la gouvernance dont nous avons beaucoup débattu : nous avons fait quelques propositions que d’aucuns peuvent trouver insuffisantes mais qui sont un compromis, un point d’équilibre : en fait sur ce sujet on ne peut pas tout attendre de la puissance publique mais il faut que les organisations s’emparent de ces problématiques et y réfléchissent par elles-mêmes.

par Gérard Aschieri

pour lire le rapport et l’avis: ici