Les groupements d’employeurs

Le dispositif  des groupements d’employeurs date de plus de 30 ans et concerne un volume d’emplois limité, moins de 20000 salarié.e.s en 2002 et moins de 50000 aujourd’hui dont 80% dans l’agriculture. Il a fait l’objet d’une saisine gouvernementale. C’est la section Travail et emploi qui a pris en charge cette saisine . Patrick Lenancker a assuré la conduite de l’avis adopté par le CESE le 13/11/2018.

La lettre de saisine sous la signature du Premier Ministre développait les motivations du gouvernement à la recherche d’une plus grande « fluidité » du marché du travail. Il s’agissait de lever les freins au développement des GE, à l’heure où « l’éclatement et la remise en cause des formes d’activités traditionnelles offre une perspective sans précédant pour que les GE soient le vecteur d’une mobilité professionnelle et d’une agilité choisie par les acteurs ».

Donc dans un contexte d’extension très forte de la précarisation des emplois, de développement du temps partiel, avec 1,4 millions de personnes majoritairement des femmes en situation de sous-emploi, un chômage de masse sans diminution, de suppression dramatique des contrats aidés, la contribution des GE à l’amélioration de l’emploi était questionnée.

Les groupements d’employeurs peuvent être défini comme « un dispositif de prêt de main d’œuvre réglementé à but non lucratif ». « Ils sont des associations sans but lucratif (distinction fondamentale avec l’intérim)-plus rarement des coopératives- dont les entreprises membres sont les utilisatrices de la personne recrutée. Le groupement est donc lui-même l’employeur du salarié ». « Les emplois occupés sont liés à l’activité normale et permanente de l’entreprise mais les travailleurs accomplissent des périodes de travail récurrentes quoique intermittentes -de la journée à l’année- pour le compte de différents utilisateurs ». Dans le secteur de l’agriculture les besoins découlent notamment des activités saisonnières et le dispositif prend la forme également des coopératives d’utilisation du matériel agricole.

Le rapport joint à l’avis recense une multitude de formes d’emplois et de statuts d’entreprises procédant à des prêts de main d’œuvre, détachement divers et mises à disposition. La succession de lois visant à flexibiliser les emplois a produit un maquis de formules répondant aux demandes des employeurs avec pour conséquence : fracturation et individualisation à outrance, aux lourdes conséquences. Il note la série d’évolutions législatives continues qui a démultiplié les dispositions similaires fabriquant un labyrinthe difficilement lisible : entreprise de travail à temps partagé, entreprise de portage salarial, coopérative d’activité et d’emploi…

L’avis s’est concentré sur 11 préconisations ce qui est à remarquer.

Les deux premières visent à améliorer les données statistiques largement insuffisantes afin de permettre une meilleure connaissance du champ des GE et de leurs pratiques et confient en ce sens un rôle aux observatoires des branches professionnelles et aux observatoires territoriaux.

Le souci de veiller à la sécurisation des parcours professionnels et d’emplois est développé dans la préconisation 3 en direction « des branches fortement utilisatrices de contrat court » en mettant en place des groupements d’employeurs sectoriels ou territoriaux.

Car il faut souligner également le rôle des GE dans la préservation et le développement de l’emploi dans les territoires au moment où l’actualité sociale souligne de façon dramatique les inégalités et les déchirures territoriales. La préconisation 4 y contribue en proposant « un outil numérique collaboratif au niveau des territoires » notamment pour « recenser les besoins d’emploi à temps incomplet pouvant donner lieu à des consolidations sur la base de temps plein partagés entre plusieurs entreprises ».

La fragilité économique des GE est abordée, les restrictions budgétaires frappent certains d’entre eux touchés par les diminutions de financement des collectivités territoriales avec également des contributions propres aux entreprises adhérentes trop faibles. Deux réflexions sont avancées, l’une afin de mettre en place « un fonds mutuel de garanties professionnelles ». L’autre propose la création d’un fonds d’amorçage en soutien à la création «  de GE dans les secteurs d’activités où les emplois sont saisonniers et/ou à temps partiel, à la condition explicite que les groupements concernés s’engagent sur des objectifs en faveur de l’emploi stable et qualifié… »

L’objectif est donc la pérennisation des emplois sous la forme stabilisée et sécurisée que représente le CDI.

On peut regretter que l’avis n’ait pas suffisamment développé les protections visant à ce que dans certains cas, la porosité entre certains GE au profit exclusif de très grandes entreprises et le champ traditionnel des entreprises temporaires soit établi. Enfin les conditions de travail difficiles, la qualité de vie au travail ainsi que les problèmes liés aux déplacements auraient mérité des préconisations précises appuyant les négociations dans les conventions collectives de branche.

Voté à l’unanimité cet avis complète celui déjà rendu en 2002.

Noël Daucé

pour lire l’avis : ici