La consigne

Sous un titre quelque peu abscons, «  La valeur de la matière première secondaire : l’exemple de la consigne », la résolution votée par le Cese le 13 novembre dernier traite d’un sujet qui peut sembler mineur mais qui concerne chacun et dont les enjeux en termes de développement durable sont considérables : la consigne.

Dans le langage Cese une résolution est un court texte sur une question d’actualité : en l’occurrence l’actualité est celle du débat sur la loi « anti gaspillage pour une économie circulaire » : un des sujets conflictuels de cette loi est l’instauration d’un système de consignes pour les bouteilles en plastique.

L’exposé des motifs décrit avec clarté les enjeux et les sujets en débat.

« L’omniprésence du tout jetable, et en particulier du plastique issu du pétrole, sur terre et dans les océans, est alarmante et a des conséquences importantes en termes de santé, de pollutions et d’émissions de gaz à effet de serre » et les enquêtes d’opinion montrent un fort intérêt pour les alternatives à ce tout jetable, notamment la consigne pour les emballages en plastique.

La consigne qui existait pour le verre a progressivement disparu dans les années 80 au profit des emballages à usage unique et du tri sélectif en vue du recyclage. Or si celui-ci a progressivement augmenté il reste insuffisant : « t 26,5 % pour le plastique (58 % pour les bouteilles et flacons mais seulement 4 % pour les autres emballages plastiques), 44 % pour l’aluminium et 86,5 % pour le verre ». Or l’expérience des pays européens qui ont mis en place un dispositif de consigne montre des taux de recyclage y dépasse 80% (90% en Allemagne).

Le projet de loi déposé en juillet dernier pose le principe de la consigne mais suscite d’importants débats. Le premier porte sur les finalités : réemploi ou recyclage ? A cet égard le texte souligne : « Réemploi et recyclage ne sont pas équivalents d’un point de vue environnemental. Le réemploi (verre) est moins consommateur en énergie et moins émetteur de gaz à effet de serre que le recyclage même s’il nécessite plus d’eau de lavage ; il induit une relocalisation/adaptation de l’appareil industriel ».

Le second sujet de débat relève de la divergence d’intérêts : d’un côté les consommateurs, sont favorables au développement de la consigne mais craigent pour leur pouvoir d’achat, les associations environnementales la soutiennent à des fins de réemploi et pour leur part les fabricants de boissons soutiennent un dispositif de consignation des bouteilles en plastique à des fins de recyclage pour des raisons d’image et surtout par intérêt économique ; de l’autre les collectivités locales craignent de perdre de l’argent dans la mesure où elles sont souvent investi dans le recyclage et où elles perçoivent des contributions liées à celui-ci ; les industriels du recyclage se disent eux favorables à un soutien accru au tri et au recyclage. Quant aux commerçants ils ne sont pas à égalité face à un développement de la consigne qui nécessite de la place et des investissements et pourrait créer une distorsion de concurrence supplémentaire au détriment des commerces de proximité.

Se pose aussi la question des modalités de remboursement de la consigne : les conséquences ne sont pas les mêmes si c’est en numéraire ou en bons d’achat.

La résolution votée largement (avec l’abstention de la FNSEA et des artisans) affirme qu’il est « urgent d’en terminer avec des modèles de production et de consommation fortement générateurs de déchets et de pollutions, dont le tout-jetable et l’usage unique constituent les symboles » et estime que « la France devrait se fixer un cadre ambitieux et concerté pour élaborer un programme de fin de production et d’utilisation du plastique à usage unique issu du pétrole ». Pour cela il insiste à la fois sur la nécessité d’un effort de recherche et sur le développment de compétences nouvelles débouchant sur des emplois.

Considérant que « la consigne est un outil de la responsabilité élargie des producteurs qui peut favoriser un changement de comportement », il fait un ensemble de propositions pour le projet de loi en discussion et d’abord réduire la consommation de plastique et intensifier l’effort de recherche en faveur d’alternatives au tout jetable ; il préconise de « développer et encadrer toutes les formes de consignes pour augmenter le taux de tri des bouteilles en verre et en plastique ainsi que des canettes » mais aussi « de prévoir un cadre évolutif comme par exemple des machines pouvant gérer à la fois la consigne pour recyclable et celle pour réemploi. » et «  de prendre en compte la diversité des modalités de consommation (à domicile comme hors domicile) et des modes de distribution (grande distribution, commerces de proximité, distributeurs en libre-service, cafés-restaurants) ». Il invite également à faire un étude d’impact et anticiper les conséquences économiques et soailes du passage à la consigne et en particulier «  maintenir pour les collectivités la garantie du financement de leurs coûts de gestion des déchets et pouvoir les récupérer auprès de l’éco-organisme concerné ». Il recommande aussi de prioriser les remboursement en numéraire. Traitant également de la nécessité de prendre en compte les conséquences en termes d’emploi et de santé le texte conclut « Le Cese appelle tous les acteurs à poursuivre les négociations en faveur d’un dispositif de consigne efficace, responsable et équitable. Cette négociation doit associer toutes les parties prenantes concernées. ». Il semble que malheureusement ce ne soit pas la voie choisie par le gouvernement qui face à l’hostilité des élus locaux a choisi de temporiser.

 

Gérard Aschieri

pour lire la résolution : ici