Hauts de France : maîtrise de la langue

Alors qu’une délégation de la commission temporaire du Cese sur la Grande Pauvreté se rend à Lille pour rencontrer les rapporteurs d’un avis du Ceser Hauts de France consacré à la maîtrise de la langue française et que la commission s’apprête à auditionner le délégué interministériel à la lutte contre l’illettrisme, nous avons demandé au représentant de la FSU dans ce Ceser de nous donner un aperçu de ce travail

Le Ceser HDF avait répondu à la sollicitation du Ministre de la ville Kanner qui souhaitait que les Régions fassent un diagnostic des politiques de maîtrise de la langue française , la région HDF étant la plus touchée en métropole par ce fléau avec un taux de 11 % de la population active. Même si avec les plans volontaristes mis en œuvre depuis 2004 des progrès ont été enregistrés en Nord Pas De Calais  où le taux atteignait 15 % , les bilans réalisés lors des JDC  (Journées Défense et Citoyenneté) montrent que le pourcentage de jeunes concernés , 5,1 % , là encore le plus élevé de métropole, n’a pas évolué entre 2013 et 2015.

Le rapport a traité cette question pour les demandeurs d’emploi, les salariés et les migrants en ne se contentant pas d’en montrer l’intérêt économique, mais en prenant en compte son intérêt social et démocratique. Rappelant au passage le danger qu’il y aurait à ne pas répondre à cette situation d’illettrisme, creusant un fossé toujours plus grand entre une population maîtrisant son devenir dans un monde plus complexe et une population qui se trouverait marginalisée par sa maîtrise insuffisante de la langue.

L’objectif proposé au Conseil Régional est de parvenir dans les 5 ans à ramener le taux d’illettrisme au niveau national, soit à 7 %. L’évaluation reposerait sur le dispositif et référentiel européen CléA.

Pour les demandeurs d’emploi, le Ceser a préconisé un plan pluriannuel de 5 ans engageant les collectivités publiques dans le diagnostic et des actions partagées pour former 75000 personnes, avec un financement du conseil régional à hauteur de 150 Millions d’€. En effet les fonds alloués par l’État et le FSE ne peuvent satisfaire à l’importance de l’effort à mener, d’autant qu’il faut aussi professionnaliser les intervenants et généraliser la rémunération des stagiaires comme cela se faisait en région NPDC avant la fusion.

Du côté des salariés, ce sont 200000 personnes qui seraient touchées en région. La situation est révélée lorsque le salarié est touché dès que l’emploi change. Elle s’avère pénalisante voire excluante pour sa mobilité professionnelle comme pour la qualité de la production réalisée. Les salariés concernés avaient un faible niveau de base, pas toujours en situation d’illettrisme au début de leur carrière mais ont désappris avec le temps.

Pour les populations migrantes ( acception très large concernant en fait toutes les personnes amenées à résider sur le territoire et dont la langue d’origine n’est pas le français : des étudiants internationaux aux migrants en transit) la diversité des publics considérés n’explique pas à elle seule la complexité des dispositifs mis en œuvre pour ces besoins et situations différents.

Par exemple, pour les migrants souhaitant s’installer sur le territoire, la formation est obligatoire dans le cadre du contrat d’intégration et fournie par l’État, mais cette formation basique doit être poursuivie par la biais des associations. Il est difficile de s’y retrouver dans la diversité des associations intervenant. Le Ceser recommande que le rôle même de l’ONII représentant l’État soit ciblé, que les actions soient évaluées et une coordination avec les associations.

Le rapport se penche également sur le rôle de l’EN, dressant un bilan des actions menées visant les élèves, pour développer leurs compétences et leur appétence dans les domaines de l’oral et de l’écrit, de façon ciblée ou dans un cadre d’actions éducatives familiales visant également leurs parents, et d’actions de prévention du décrochage comme Perseval. Pour l’Université, c’est surtout sur le développement du FLE que l’accent est mis avec la volonté de mieux accueillir les étudiants étrangers et de développer l’attractivité régionale.

La lutte contre l’illettrisme trouve ses racines dans l’école, c’est là que doit se situer la prévention et le rapport se penche bien peu sur la question. C’est donc dans le fonctionnement du système éducatif et ses conséquences sur ceux qui ne la perçoivent pas, ou plus, comme un moyen d’émancipation qu’il faut avancer. Sinon le nombre de personnes en situation d’illettrisme ne se tarira pas, alimenté par les élèves en difficulté sortant du système éducatif pendant que les mesures curatives plus coûteuses continueront d’absorber des sommes croissantes.

Gilles Surplie