Gérard Aschieri

Gérard Aschieri  vient de quitter ses fonctions au Cese où il représentait la FSU depuis octobre 2010. Il est remplacé par Bernadette Groison. Il nous fait part de ses réflexions sur le Cese et son devenir.

1) Pourquoi quitter le Cese maintenant?

Cela fait près de 10 ans que j’y représentais la FSU ; c’est long. Certes j’y ai acquis de l’expérience mais nous avons à la FSU un principe auquel je suis comme nous tous attaché, la rotation des mandats : il ne faut pas s’éterniser dans les fonctions ; d’autant que le mandat des membres du Cese va être prorogé jusqu’en juin prochain. En fait la logique aurait voulu que je sois remplacé dans les mois qui ont suivi notre congrès national mais j’étais engagé dans un certain nombre de travaux, en particulier l’avis sur la recherche où je me suis beaucoup investi. Maintenant que cet avis vient d’être voté je peux partir sans problème et je suis plutôt content de le faire en terminant mon mandat sur ce texte. Je ne doute pas que Bernadette Groison qui en tant que secrétaire générale avait suivi régulièrement les travaux du conseil s’y trouvera facilement de plain pied.

2) Au bout de ces années d’expérience quel jugement portes-tu sur le conseil?

Lorsque j’y ai été nommé j’avais du Cese l’image que beaucoup ont encore, celui d’une assemblée endormie se complaisant dans des compromis tièdes. Je me suis aperçu que cette image était fausse et que le Cese est un élement important de la vie démocratique. Le fait d’y croiser des représentants de la société civile dans sa diversité, de débattre avec eux, d’auditionner des experts, pour élaborer des études ou des avis sur des sujets les plus divers est non seulement enrichissant mais aboutit le régulièrement à des textes solides et argumentés : s’ils ne recouvrent pas totalement nos analyses et revendications, ils vont souvent dans le bon sens, disent des choses fortes, peuvent servir de points d’appui. Ce n’est certes pas toujours le cas dans la diversité des sujets traités, mais pour ne citer que quelques exemples c’est vrai bien sûr pour le récent avis sur la LPPR, ceux sur la fonction publique, sur la résorption de la grande pauvreté, sur les inégalités à l’école, sur la transition écologique, la lutte contre le réchauffement climatique, la défense de la bio diversité…Et lorsque compromis il y a ce sont souvent des compromis qui laissent ouverte la possibilité d’aller plus loin. Je dois dire aussi que, bien que nous ne soyons pour la FSU qu’un conseiller et deux « personnalités associées » (Éliane Lancette et Noël Daucé), nous avons souvent pu peser de façon positive en argumentant à partir de l’expérience et des revendications de la FSU. Nul doute que nos camarades qui siègent dans les Ceser ont la même expérience.
En fait le vrai problème est que le Cese est trop souvent injustement ignoré voire méprisé et que les responsables politiques ne tiennent que rarement compte de ses avis ou plutôt n’en tiennent compte que lorsque ça les arrange. Un exemple parmi d’autres : le Conseil Constitutionnel vient de censurer la Loi Avia sur la lutte contre la haine dans les réseaux sociaux, or je retrouve dans la décision les éléments sur lesquels le Cese, dans un avis sur l’engagement citoyen et les réseaux sociaux, avait mis en garde; il avait à l’inverse proposé des solutions que l’on aurait intérêt à étudier.  C’est d’ailleurs pour mieux faire connaître le travail du Cese et des Ceser que nous avions décidé de publier cette lettre.

3) Une réforme du Cese fait aujourd’hui l’objet d’un projet de loi que le gouvernement entend faire voter dans les six mois. Qu’en penses-tu?

C’est exact et c’est la raison pour laquelle le mandat des membres du Cese est prorogé. Je suis partagé sur ce texte . Certains responsables politiques voulaient la disparition du Cese ou sa transformation en une chambre de la consultation des citoyens dont le rôle se limiterait essentiellement à l’organisation de conventions de citoyens comme celle qui vient de se terminer sur le climat . Le projet de loi, s’il donne bien au Cese ce rôle et y ajoute la possibilité d’associer de citoyens tirés au sort, maintient ses autres missions, celles d’élaborer des avis soit sur demande du gouvernement ou des présidents de l’Assemblée Nationale et du Sénat, soit en réponse à des pétitions par internet (15000 signatures dans le projet sorti de l’Assemblée nationale), soit sur sa propre initiative. Mais quel serra l’équilibre entre toutes ces missions ? Par ailleurs le nombre de membres est drastiquement réduit, de 233 à 175, et parmi eux le nombre de représentants des organisations syndicales passe de 69 à 52 tandis que les « personnalités associées » et le groupe des « personnalités qualifiées » disparaissent. Cela pose le problème de la charge de travail et risque de réduire la diversité qui fait aujourd’hui l’intérêt du Cese. On peut être inquiet pour la qualité des débats et donc des avis, d’autant qu’est prévue une procédure d’urgence où le conseil peut se voir demander un avis dans un délai de 15 jours. C’est d’autant plus inquiétant que le même texte ouvre la possibilité que, sur les projets de loi relevant de sa compétence, la consultation du Cese se substitue à celle des organismes consultatifs comme le Cse ou le Cneser par exemple .

Au final beaucoup de choses restent à préciser, y compris l’organisation interne du conseil qui dépendra de son règlement intérieur tout comme ses modalités de travail. Or on peut avoir des doutes sur les intentions réelles du président et de son gouvernement. Il faudra être attentifs.

Par Eliane Lancette