La Convention citoyenne pour le climat

Annoncée par Emmanuel Macron après le « grand débat national », la convention citoyenne pour le climat est entrée en fonction, à grand renfort médiatique. On pouvait craindre que le Cese ne soit que le lieu d’hébergement de cette convention mais il a obtenu d’être partie prenante de son organisation.

50 citoyens tirés au sort, chapeautés par un comité de gouvernance, ont pour tâche de « définir les mesures structurantes pour parvenir, dans un esprit de justice sociale, à réduire les émissions de gaz à effet de serre d’au moins 40 % d’ici à 2030 par rapport à 1990 ».(lettre de cadrage)

Le coût de l’exercice est évalué à 4 millions d’euros. Plusieurs prestataires ont été désignés, tous sous-traitants d’Eurogroup Consulting. Harris Interactive pour le tirage au sort, Res Publica et Missions publiques pour l’organisation des débats. Ces deux dernières entreprises ont animé les conférences régionales de citoyens lors du « grand débat national » (Res Publica) ou organisé des débats autour de la voiture sans conducteur et la ville du futur (Missions publiques).

Les 150 citoyens ont été tirés au sort parmi plus de 250.000 personnes appelées au cours de l’été, selon leur profil sociologique, leur âge, leur sexe, leur travail ou leur lieu de domicile afin de « respecter les grands équilibres de la société française ». Au sein des membres de la convention, on compte une majorité de femmes, de nombreuses personnes faiblement ou non diplômées, cinq jeunes de 16 à 17 ans, deux agriculteurs, 26 % d’ouvriers et d’employés et même « deux anciens sans domicile fixe », 13 % de ses membres habitent aussi des quartiers prioritaires, 15 % des communes rurales. Ils se réuniront 6 week-ends, tantôt en plénière tantôt en commissions plus réduites (un prise en charge des frais et une indemnisation sont prévus). Trois garants sont chargés de faire respecter l’indépendance de l’assemblée, « l’impartialité et la sincérité du processus » : Anne Frago, Michelle Kadi, toutes deux hautes-fonctionnaires et Cyril Dion écrivain, réalisateur, poète et militant écologiste .

Un comité de gouvernance, deux co présidents (Laurence Tubiana et Thierry Pech) et un rapporteur général (Julien Blanchet,  du Cese) chapeautent le processus. Ses 12 membres, ont été nommés pour « piloter la convention, l’appuyer dans l’élaboration de son programme, superviser la mise en œuvre, définir son règlement intérieur et ses méthodes de travail ». On y retrouve quatre membres du Cese, au titre « d’experts du champ économique et social », parmi lesquels une membre du groupe des entreprises et conseillère d’un grand groupe minier et un syndicaliste CFDT, trois experts de la démocratie participative, dont Loïc Blondiaux, trois experts du climat (dont deux membres du Cese, le climatologue Jean Jouzel et la présidente de la section environnement, Anne Marie Ducroux), deux personnalités désignées par le ministère de la Transition écologique et solidaire, dont l’ancien conseiller spécial de François de Rugy.

La mission assignée à cette convention est à la fois large et technique. Les propositions issues des 6 réunions de travail pourront concerner tous les secteurs responsables du changement climatique et affecter la vie quotidienne des Français : le transport, l’agriculture, la consommation, le logement ou le travail… Ces propositions devaient être soumises « sans filtre » au Parlement voire même par référendum aux citoyens . Cette deuxième perspective semble s’éloigner quelque peu… Edouard Philippe parle maintenant de « répondre publiquement aux propositions de la convention » et ne mentionne plus l’idée d’un référendum. Pour établir leurs propositions, les 150 citoyens auditionneront des experts du climat et des grands témoins — membres d’associations, chefs d’entreprise, syndicalistes ou élus — afin d’obtenir « un socle commun d’information » et de pouvoir délibérer de « manière éclairée ».

Le premier week-end des 5 et 6 octobre a servi à informer les citoyens sur les réalités scientifiques du réchauffement climatique en exposant aussi les actions déjà menées en France, les points de blocage et les dissensus. Ont été auditionnés la climatologue Valérie Masson-Delmotte, le secrétaire général de la CFDT , Laurent Berger, la ministre de la Transition écologique Élisabeth Borne, Augustin de Ramonet, PDG de Aéroports de Paris et Anne Bringault du Réseau Action Climat. Une plateforme internet de consultation ouverte à tous a été mise en place.

.

Pour l’instant, le comité de gouvernance a tout organisé. Il a désigné les experts, le programme d’audition et cadencé les temps des débats. « Ce serait mentir de dire que pour le premier week-end les citoyens ont la main sur le choix des intervenants. Néanmoins, on a fait en sorte que les personnes auditionnées soient les plus irréprochables et les plus pertinentes sur les sujets abordés, affirme Mathilde Imer , membre de ce comité. Dès la deuxième session et pour toutes les autres, les membres de la convention seront autonomes dans le cadre du mandat qui leur est donné : c’est eux les seuls maîtres à bord. »

Cette convention s’inspire expériences étrangères (Irlande notamment) et françaises : rappelons que le Cese avait déjà expérimenté l’association de citoyens tirés au sort (voir nos lettres de février et d’avril 2019). Mais son mode de fonctionnement est relativement original ; il a d’ailleurs fait l’objet de critiques de la part de l’association Sciences citoyennes, qui a déjà proposé et expérimenté un modèle de « Conventions de citoyens ». Il faudra donc attendre la suite des évènements pour évaluer quelle latitude a réellement cette convention, comment elle va délibérer, ce qu’elle va proposer et surtout quelles suites seront données aux propositions faites fin janvier.

Éliane Lancette

pour consulter le site de la convention : ici