Tourisme et numérique

L‘avis « Tourisme et numérique », apporte une nouvelle pièce aux travaux déjà nombreux du CESE sur le numérique et ses conséquences. Son sujet est bien évidemment intéressant qui interroge l’apport du numérique en matière de tourisme, une activité économiquement essentielle pour notre pays et ses régions. Mais il a le mérite d’élargir son sujet et de ne pas s’en tenir à la problématique étroitement circonscrite par son titre.

Si l’avis, dont les rapporteurs sont Jean Louis Cabrespine, représentant de l’ESS,et Régis Wargnier, le cinéaste bien connu, part bien de l’idée que la France est une des premières destinations touristiques au monde et que le tourisme fait partie des activités économiques les plus impactées par le numérique, il fait le choix de ne pas s’en tenir à une vision étroitement économique, préoccupée uniquement par le classement de notre pays en nombre de visiteurs ou en sommes dépensées par ceux-ci. Il propose à plusieurs reprises de promouvoir un tourisme qui sorte des « sentiers battus »  et lui-même sort de ces sentiers battus par son ton, son écriture et la philosophie qui le sous-tend.

Il préconise une approche de la question du tourisme et du numérique que l’on pourrait qualifier d’humaniste et qui ne se contente pas de le penser en termes de rentabilité et de classements mais se caractérise par l’accent mis sur la notion d’accueil : c’est ainsi qu’il propose de faire de chacun des« accueilleur .se.s», néologisme qui entend traduire le terme anglais « greeter »

C’est dans le même esprit que l’on peut pointer quelques aspects importants et positifs. Il s’agit d’abord de la place qui est donnée à l’éducation et à la formation, mises en tête des recommandations. Il s’agit ensuite du souci des plus défavorisés auxquels l’avis consacre une partie de ses préconisations pour qu’ils ne soient pas les oubliés d’un tourisme qui viserait uniquement une clientèle internationale. Il s’agit aussi de la préoccupation d’un tourisme durable mais également des recommandations visant à  la construction collaborative d’itinéraires touristiques en utilisant les ressources du numérique : une conception qui si elle était mise en œuvre permettrait sans doute de sortir des ornières de la vision traditionnelle du tourisme.

Certaines propositions ne vont cependant pas sans discussion: ainsi l’avis propose la création d’un sorte d’école supérieure du tourisme, un peu sur le modèle de ce qui existe dans d’autres domaines, mais il reste évasif sur son statut, son organisation, son recrutement, ce qui laisse la porte ouverte à toutes les interprétations. Et s’il ne passe pas à côté de la problématique essentielle des plateformes en matière de tourisme, il laisse sur ce point un goût d’inachevé : certes la question est complexe et controversée et il n’est pas facile en ce domaine de dépasser les contradictions mais il aurait peut-être été bon de faire mieux le lien avec par exemple l’avis du CESE sur la coproduction à l’ère du numérique qui fait des propositions en ce domaine pour limiter les abus, et mieux protéger les salariés et les consommateurs.

Ces faiblesses n’empêchent pas cependant d’apprécier ce texte dont l’approche n’est pas seulement originale mais intéressante.

Par Gérard Aschieri

pour en savoir plus et lire le rapport et l’avis ici