Orientation : occasion manquée

Le CESE a voté un avis sur l’orientation à un moment où un projet de loi entend, sans concertation, mettre à bas les dispositifs actuels de l’orientation des élèves notamment en menaçant l’existence des CIO et en démantelant l’ONISEP ; à un moment également où les protestations se multiplient contre Parcoursup, un dispositif qui, sous couvert d’orientation, organise en fait la sélection. Si l’avis pointe bien les enjeux, ses préconisations sont décevantes voire pour certaines dangereuses.

La préparation de cet avis a donné lieu à l’expérimentation d’un plate forme de consultation citoyenne que nous avons relayée dans cette notre lettre de janvier 2018. Les résultats en ont été pour le moins mitigés : la participation a été plus importante que dans d’autres consultations mais insuffisante pour que certaines propositions puissent apparaître comme validées et que l’on puisse mesurer un état de l’opinion. Et on peut se demander si le travail considérable qu’a impliqué cette plate forme ne s’est pas fait au détriment des débats : le sentiment que l’on peu retirer de l’avis est en tout cas que la réflexion et la discussion n’ont pas été assez poussées sur un certain nombre de points.

Les enjeux de l’orientation scolaire sont de permettre à chacun de faire des choix éclairés et de lutter contre les déterminismes sociaux qui produisent d’inacceptables ségrégations. Cela nécessite un accompagnement, différent de l’orientation professionnelle des salariés et chômeurs, des moyens, une offre de formation diversifiée, lisible et bien répartie, un service public national, une lutte contre les stéréotypes. L’avis a le mérite de pointer ces enjeux et un certain nombre de préconisations vont dans le bon sens, même si elles sont parfois ambiguës ou insuffisantes : c’est le cas par exemple de la préconisation d’un plan de recrutement de conseillers d’orientation ou de ce qui est dit sur le rôle national de l’ONISEP ou sur l’accès à l’université. C’est le cas de l’affirmation que l’orientation ne peut pas se concevoir comme une orientation couperet mais comme un parcours. En même temps ces préconisations sont souvent timides et ne rompent pas toujours assez avec les politiques de régression lancées aujourd’hui.

Mais le problème est que d’autres dépassent le champ de l’orientation scolaire et proposent des mesures qui n’ont pas été assez débattues, en particulier avec les professionnels concernés, et dont les conséquences négatives peuvent être importantes. Si le but du CESE est de trouver les équilibres permettant de mesurer l’acceptabilité des réformes, on en est loin.

Il en va ainsi par exemple des préconisations autour d’une seconde indifférenciée, qui peut être une menace pour les formations du lycée professionnel, déjà fragilisées et qu’on réduirait à deux ans, et de celles autour de la construction des diplômes. L’argument utilisé pour justifier cette préconisation est qu’aujourd’hui le choix intervient trop tôt, ce qui est exact ; mais des solutions alternatives sont possibles, comme la création de passerelles : elles n’ont pas été retenues ou mentionnées. Et paradoxalement la proposition de cette seconde commune, prétendant lutter contre des ségrégations précoces, s’accompagne d’une proposition de dérogation pour une partie des élèves qui risque de renforcer les déterminismes sociaux. La discussion a été là-dessus insuffisante et à tout le moins on aurait pu s’attendre à la mention de dissensus dans l’avis, comme cela se fait souvent.

Par ailleurs toute une série de préconisations portent sur les liens avec les entreprises et, même si elles ne concernent pas que les entreprises privées, proposent de leur accorder plus de place dans la définition des diplômes et des formations et l’orientation des jeunes, notamment via l’apprentissage : malgré les intentions affichées par le texte, elles peuvent s’inscrire dans une perspective d’adaptation étroite de l’orientation aux besoins à court terme des entreprises.

Ce sont tous ces éléments qui ont conduit le représentant de la FSU à voter contre cet avis.

Gérard Aschieri et Eliane Lancette

 Pour lire l’avis ici

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