L’hôpital au service du droit à la santé

L’hôpital: un sujet au cœur de l’actualité. Mais le CESE s’en était saisi bien avant. Il avait adopté dès le 11 mars 2020 une résolution L’hôpital au service du droit à la santé pour toutes et tous. Un texte dans lequel il rappelait l’impératif que toute personne, quels que soient sa situation économique, son statut ou son lieu de résidence, doit bénéficier d’un accès à des soins de même qualité. Un bon point de départ qui s’est poursuivi par l’avis voté le 13 octobre dernier L’hôpital au service du droit à la santé ; avis présenté par Sylvie Castaigne, Alain Dru et Christine Tellier. Un avis qui doit être entendu.

Comme toujours pour réaliser ce travail, le CESE a recouru à diverses auditions et notamment celles des représentant-es des usager-es et des acteurs et actrices du service public de l’hôpital et de la santé. Il a aussi interrogé les Conseils économiques, sociaux et environnementaux régionaux (CESER) et mis en place une plateforme de consultation numérique (70 000 participant-es) relayée notamment par la FSU.

Un constat sans appel...

La pandémie du Covid 19 a mis en évidence la grave crise que traverse l’hôpital depuis des années. Manque de moyens humains et financiers, insuffisance des structures publiques… se traduisant pour les usager-es par des fermetures de lits, des déserts médicaux, une dégradation des conditions d’accueil et des conditions de travail des personnels. Entre 2005 et 2016, les hôpitaux ont vu leur activité augmenter de 16%, alors que leurs effectifs se sont seulement accrus de 2%. La DREES (Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques en matière de santé et de solidarité) constate, au-delà des urgences, que l’augmentation du nombre de prises en charge hospitalières se poursuit dans toutes les disciplines, sous l’effet notamment du vieillissement de la population et de la hausse du nombre de patient-es atteints de maladies chroniques ou de polypathologies.

Notre secteur hospitalier est composé aujourd’hui de 1360 établissements publics, 680 établissements privés à but non lucratif et environ 1o00 cliniques privées (qui ne remplissent pas toutes des missions de service public). Un nombre en diminution par rapport aux dernières années alors que les prises en charge hospitalières augmentent. En 2018, le secteur hospitalier a pris en charge 11,8 millions de personnes en hospitalisation complète et 17,1 millions de journées en hospitalisation partielle (sans nuitée). Les recours aux urgences (21,8 millions de passages en 2018) continuent d’augmenter (+2% par rapport à 2017), ce qui confirme un mouvement continu depuis 22 ans.

C’est pour dénoncer cette situation qu’il y a eu de nombreux mouvements sociaux, des pétitions et diverses initiatives appelant à « défendre », à « sauver » l’hôpital sans que les gouvernements n’y répondent réellement.

Un sous investissement récurrent…

L’avis du CESE réaffirme que «les dépenses de santé sont un investissement productif pour le pays et non pas une charge annuelle de fonctionnement pour les dépenses publiques». Or, la situation actuelle est critique. Les hôpitaux publics accusaient en 2018, un déficit cumulé de 569 millions d’euros. Une situation marquée aussi par un recul continu de l’effort d’investissement. Le secteur hospitalier représente près de la moitié de la consommation de soins et de biens médicaux. Comme le constate la commission des Affaires sociales du Sénat, les dépenses relatives aux établissements de santé, après avoir dépassé l’objectif initial en 2008 et 2009, sont en exécution systématiquement inférieures à l’Objectif national de dépenses d’assurance maladie (ONDAM) voté depuis 2010. Cette longue pratique de sous-investissement, couplée à un système de financement largement assis sur les actes, à travers la tarification à l’acte (T2A) introduite en 2004, pèse considérablement sur les hôpitaux. La contrainte financière est devenue le critère principal, celui à l’aune duquel se décident non seulement les investissements, les financements, mais aussi finalement l’organisation des services, le nombre d’établissements, leur restructuration, les carrières. Le nombre de lits, la réduction des effectifs et le non remplacement des personnels absents sont devenus les variables d’ajustement au détriment de la mission des professionnels de l’hôpital, contrariant ainsi leur éthique. Des phénomènes qui ont également des conséquences sur la qualité de la prise en charge de certains patient-es.

L’avis vise un triple objectif…

Il s’agit de rétablir un fonctionnement de l’hôpital adapté aux besoins, de mieux intégrer l’hôpital dans la réalité des territoires et de refonder la gouvernance en santé, mieux organiser les interfaces dans le système de soin. Pour cela 18 préconisations sont faites.

Cet avis est un très bon outil pour mener la bataille au service de l’hôpital public et il est en phase avec ce qu’expriment aujourd’hui les personnels de santé.

Ainsi, il préconise de remettre l’accès aux soins et la réponse aux besoins de la population locale au centre du quotidien des personnels, des moyens et de la gouvernance de l’hôpital. Il faut pour cela que l’hôpital dispose enfin des moyens et d’un fonctionnement à la hauteur de ce qu’on lui demande et que ses personnels puissent retrouver le sens de leur travail.

L’avis affirme également qu’il est nécessaire de redéfinir la place de l’hôpital avec les autres acteurs du soin et de la prévention. Il propose pour cela la réalisation préalable d’une analyse partagée, par l’hôpital et les autres acteurs du territoire, des besoins locaux de santé et des réponses qu’il faut leur donner. Il demande un moratoire sur les fermetures de lits et de services aussi longtemps que ce diagnostic partagé sur les besoins et les réponses n’aura pas été construit. Autant d’éléments dont peuvent notamment se saisir les CESER.

L’avis porte enfin sur les « interfaces » entre l’hôpital et les autres acteurs de la prise en charge médicale, médico-sociale et sociale. Les crises des urgences et des EHPAD le montrent bien, la question de la place de l’hôpital dans le système de soin est au centre des enjeux. Il faut mettre fin aux ruptures dans les parcours, entre la ville et l’hôpital, l’EHPAD et l’hôpital, mais aussi entre la prise en charge sanitaire et l’accompagnement médico-social et social en amont comme en aval de l’hospitalisation, dans tous les domaines de la santé. Une préconisation (18) est consacrée aux personnes âgées.

Bernadette Groison

pour en savoir plus et lire l’avis : ici