Les déserts médicaux

Le CESE s’est doté d’un groupe de travail chargé de repérer « les problématiques soulevées par les pétitions identifiées sur un sujet donné » relevant de sa compétence . C’est dans ce cadre qu’il s’est saisi du sujet des déserts médicaux. Un thème de grande actualité touchant un sujet sociétal qui avait fait l’objet de deux pétitions récentes dont les auteurs ont été auditionnés.

Ces travaux s’articulent avec une série de plans et d’initiatives gouvernementales et publiques prises depuis plusieurs années dont le dernier en date « Renforcer l’accès territorial aux soins ».

L’expression « désert médical » désigne un accès très difficile selon le lieu de résidence des individus, à l’ensemble des professionnel.le.s de santé.

Selon « une estimation minimale  , environ 8% de la population se situe dans un désert médical en 2017 (soit 5,3 millions d’habitant.e.s) ».

Ce problème va s’accroitre du fait même de la démographie médicale, des choix politiques effectués depuis de nombreuses années (le numérus clausus imposé aux formations médicales sous prétexte de réduire les dépenses de santé), des inégalités de répartition et des choix très lourds qui sont pratiqués à l’intérieur du corps médical (généralistes, sectorialisation et spécialistes). Il est également nourri par le vieillissement de la population et le développement « des besoins de santé émergents » tel les maladies chroniques et complexes…

Par ailleurs cet avis s’inscrit dans les témoignages nombreux constatant les déchirures sociales et territoriales, les inégalités qui fracturent le pays. « Une des causes principales de l’existence des déserts médicaux réside dans la baisse d’attractivité de certains territoires qui elle-même provient de la désindustrialisation, du recul de l’activité agricole, de la métropolisation et de la fermeture de services publics ». Bien sur les quartiers urbains sensibles et les zones rurales isolées sont touchés, mais également certains centres villes. A la notion de distance, de délais de rendez-vous, il faut ajouter le montant des honoraires.

Ainsi coexistent des zones qualifiées de sous-denses et des zones sur-denses. L’avis souligne « la grande désorganisation dans l’utilisation des différentes structures de soins, les conséquences en termes de coûts… ». C’est l’ensemble de l’architecture du système de santé qui est à interroger, avec la responsabilité première des pouvoirs publics et du milieu médical.

L’avis est organisé autour de dix recommandations échelonnées en trois séquences  qui se veulent pragmatiques: les mesures de long et moyen terme et celles à effet immédiat.

Les mesures de long terme (préconisations 1/2/3) visent à ce que soit renforcé le rôle de la médecine de proximité et de la médecine générale en particulier dans les zones sous-denses en modifiant notamment les méthodes de formation et de stages avec des appuis financiers. Soulignons l’existence d’un dispositif particulièrement intéressant de contrats d’engagement de service public, offrant une rémunération dès la deuxième année de 1200£ à l’étudiant.e s’engageant à exercer en zone sous-dense à la fin de son cursus.

Les mesures de moyen terme (préconisations 5/8/9/10) sont plus consacrées aux améliorations de fonctionnement et à la coordination entre professionnel.le.s de santé : simplifier les cahiers des charges pour la création des lieux d’exercice regroupé, renforcer le volet prévention tout au long de la vie en renforçant et coordonnant médecine scolaire, médecine du travail avec la médecine ambulatoire, développer la télémédecine.

Concernant les mesures à effet immédiat (préconisations 4/6/7) le texte appelle les pouvoirs publics à se concentrer notamment sur deux préconisations :

_ « réguler l’installation des spécialistes de 2ième recours en secteur 2 dans les zones sur-denses en conditionnant leur conventionnement à la réalisation de consultations « avancées » en zones sous-denses ».

_ « augmenter le temps médical dans les zones sous-denses en aidant les médecins de secteur 1 à disposer d’un secrétariat médical mutualisé et en rendant temporairement plus attractif le cumul emploi-retraite. Ces deux aides financières seraient financées par la suppression d’autres aides porteuses d’un effet d’aubaine excessif ».

L’avis dessine un espace de trois ans pour atteindre des résultats concrets « avec un maillage médical du territoire modifié », sinon les pouvoirs publics devront prendre des mesures radicales voire coercitives. « Une telle évolution aurait pour effet de réduire la part du secteur libéral mais elle serait justifiée au nom de l’égalité d’accès aux soins ». C’est ce délai de trois ans qui a fait l’objet de critiques sévères d’un certain nombre d’intervenants qui ont vu dans ce texte une dommageable hésitation à imposer des contraintes aux médecins.

Quoiqu’il en soit chacun est d’accord pour considérer que l’obligation de résultats est urgentissime !

Par Noel Daucé

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