La nature en ville

A l’heure où le rapport spécial du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) est publié, apprécié comme le rapport de « la dernière chance », car il démontre que le réchauffement climatique doit être bloqué à 1,5° si la planète veut éviter des conséquences catastrophiques, l’avis voté par le CESE « la nature en ville : comment accélérer la dynamique ? » est particulièrement bien venu.

Il fait suite à l’avis  » Comment accélérer la transition énergétique », adopté en Février dernier (Guillaume Duval et Madeleine Charru). Il a été présenté au nom de la section de l’environnement par Annabelle Jaeger.

Les enjeux sont clairs : « 75% d’entre nous vivront en zones urbaines en 2050 au sein d’espaces produisant déjà deux tiers des émissions de gaz à effet de serre (GES) et devant faire face aux conséquences sociales et sanitaires de la pollution atmosphérique ».

Un des axes forts du document est la liaison étroite réalisée entre l’évolution climatique et la biodiversité. A ce titre loin des engagements gouvernementaux issus des accords de Paris en 2015 (COP 21) , comme le rappelle «  le rapport annuel sur l’état de la France » adopté le 12 Juin 2018, «  l’empreinte carbone de chaque Française et Français a augmenté de nouveau entre 2015 et 2016 » et on assiste à « une reprise de l’augmentation du taux moyen d’urbanisation en 2015 et 2016 ». Avec la précision suivante : « l’extension de l’artificialisation prédomine à proximité et en périphérie des grands centres urbains et le long des grands axes de communications ».

L’avis est structuré autour de 5 axes :

-donner toute sa place à la nature dans les politiques publiques du national et du local.

-connaitre et faire connaitre les bienfaits de la nature en ville.

-répondre aux besoins des habitantes et habitants et accueillir une nature en ville efficiente.

-la nature comme élément structurant du projet d’aménagement urbain.

-la ville au cœur de la solidarité écologique des territoires.

22 préconisations sont émises, charpentant l’ensemble de l’avis.

« changement climatique et érosion de la biodiversité sont les deux faces de changements globaux qui questionnent profondément notre modèle de développement, notamment urbain » ; « la nature en ville sous toutes ses formes (faune, flore, eau, air, sol) est source de services de régulation, de support de production et de services culturels : réduction de la pollution atmosphérique, séquestration du carbone, réduction des eaux de ruissellement, régulation de la température et économies d’énergies…Son apport en terme de santé mentale et physique des populations est de plus en plus attesté par la science ».

Aussi logiquement, l’avis propose « la prise en compte de l’érosion de la biodiversité dans l’article 1 de la constitution au même titre que l’enjeu climatique…prévu dans le cadre de la révision constitutionnelle ». (Préconisation 1)

Cet enjeu « doit être pris en compte de façon transversale dans l’ensemble des politiques publiques applicables à la ville (aménagement, logement, transports, santé, agriculture… » (Préconisation 2)

En matière de politique du logement « les objectifs de biodiversité et de nature en ville doivent être intégré avec notamment la réhabilitation d’une partie au moins des trois millions de logements vacants. Elaborer un dispositif pour recycler le foncier des friches industrielles urbaines au profit d’opérations intégrant de la renaturation ».

Le rapport pointe également les contradictions engendrées par la loi Elan et le projet « Cœur de ville ». Pour la première, est soulignée en conséquence de l’accélération de la construction de logement neuf, les risques de « diminution des normes dont celles environnementales… » Pour le second, « le retour d’activités et d’occupations résidentielles au cœur d’agglomération- surtout des villes moyennes- n’intégrant pas l’introduction de la nature en ville ».

De même, l’inégalité d’accès aux villes vertes, peut entrainer des processus d’exclusions, « puisqu’un appartement à proximité immédiate d’un espace vert urbain vaut 17% plus cher que le logement situé cent mètres plus loin ».

L’avis développe des orientations très positives en soulignant que « la formation à l’environnement et à la nature doit être renforcée avec une politique nationale d’éducation…, renforçant l’enseignement relatif à la biodiversité dans les cursus et les filières… ».

De même les politiques et services publics sont à renforcer avec le soutien du développement de l’Agence française pour la biodiversité, les Agences de l’eau. Mais là encore, ces recommandations se heurtent aux politiques de restrictions budgétaires et des mesures associées au cadre « d’action publique 2022 ».

Toujours positivement, le CESE souligne l’importance de l’implication des citoyennes et citoyens dans les conseils de quartiers, l’élaboration des budgets participatifs (Préconisation 16), avec l’apport des associations agrées de protection de la nature qui doivent être davantage reconnu et soutenu par un dispositif financier pérenne au niveau et local. (Préconisation 12).

Le texte se prononce enfin pour la définition et la mise en place d’une véritable politique publique pour protéger le patrimoine « sol » et assurer sa restauration si nécessaire. (Préconisation 19). Cela allant de pair avec des mesures fortes pour stopper l’artificialisation des sols. (Préconisation 21).

Donc, un avis qui ajoute un maillon de plus dans la chaine des positionnements du CESE sur le terrain écologique et environnemental.

L’abstention des groupes de l’agriculture, de l’artisanat, des entreprises recouvre probablement des désaccords plus importants que cette expression dans les votes.

L’urgence est là, il est temps de passer aux actes.

 

Noel Daucé

pour en savoir plus et lire l’avis : ici