Grande pauvreté : 30 ans de lutte

Il y a trente ans le Conseil Économique et Social adoptait l’avis « Grande pauvreté, précarité économique et sociale » dont le rapporteur était Joseph Wresisnki, fondateur d’ATD Quart Monde. Cet avis a marqué  l’histoire du CESE et a constitué une étape décisive dans la lutte contre la pauvreté. Une séance exceptionnelle a été consacrée le 14 février dernier à l’anniversaire de cet avis en présence du Président de la République : l’occasion de rappeler le rôle du CESE mais aussi de remettre l’accent sur cette lutte indispensable.

 

L’avis rapporté par Joseph Wresisnski a constitué en 1987 le premier texte produit pas une assemblée de la République mettant en lumière la problématique de la grande pauvreté et de la grande précarité comme phénomène à traiter en soi parce qu’il remet en cause l’effectivité des droits fondamentaux pour ceux qui en sont victimes. Mais au delà de l’analyse il proposait un plan d’ensemble pour en traiter : deux mesures emblématiques en sont sorties que personne n’avait envisagées auparavant : le RMI en 1988, désormais remplacé par le RSA, puis plus tard la CMU.

La séance du 14 janvier a été l’occasion pour le CESE de se revendiquer de cet héritage et d’afficher sa volonté de le prolonger.

Discours, témoignages, tables rondes se sont succédé. Au delà de l’auto célébration ils ont permis de rappeler l’histoire mais aussi de donner un nouveau coup de projecteur sur la réalité de cette pauvreté toujours présente et de montrer la nécessité d’une politique globale, rompant avec les dogmes du néo libéralisme, pour la faire reculer.

Toute une partie de la séance a été consacrée à l’histoire de l ‘élaboration de cet avis, une histoire significative de la façon dont le conseil travaille et construit des consensus : ainsi Gérard Alezard, ancien vice président du CESE au titre de la CGT a rappelé comment la CGT, qui avait au départ de fortes divergences avec la démarche proposée, a pu participer au débat, faire évoluer le texte et au final s’abstenir. De son côté Didier Robert, ancien conseiller et collaborateur de J Wresisnski a raconté comment une rencontre entre le rapporteur et le président du CNPF de l’époque, Yvon Chotard, avait permis de s’accorder sur une démarche, l’expérimentation, et ainsi surmonter le blocage du patronat.

Les interventions diverses, et entre autres le discours du Président de la République, ont eu le mérite de montrer combien la grande pauvreté ne se limite pas au maque d’argent mais touche tous les aspects de la vie, mal logement, dégradation de la santé, malnutrition,… avec pour conséquence une mise à l’écart, voire une stigmatisation, qui empêche un accès effectif aux droits fondamentaux, à commencer par le droit à l’éducation. Et les exemples en ont été multiples, depuis Julien Lauprêtre, président du Secours Populaire, confirmant qu’un enfant sur trois ne part pas en vacances, jusqu’à Martine Lecorre, déléguée générale d’ATD Quart Monde, rappelant qu’il y a encore « des hommes, des femmes, des enfants qui n’ont que la rue pour exister », en passant par le président d’Emmaüs France, Thierry Khun, affirmant qu’on savait bien aujourd’hui que  « l’emploi ne suffit plus pour se loger. »

Les interventions ont à la fois dénoncé la représentation insidieuse de la pauvreté comme assistanat, qui rend les pauvres responsables de leur situation, et souligné la nécessité de mesures qui ne se limitent pas à l’aide financière mais portent indissociablement sur l’emploi, le logement, l’accès à l’eau et à l’énergie, l’éducation, la santé,  la justice climatique et qui au fond nécessitent de remettre en cause les logiques économiques néo libérales ; comme l’a dit Étienne Caniard, représentant la mutualité française : « Le social ne peut pas être dissocié de l’économie et ne peut pas lui être opposé. Pas de performance économique, sans performance sociale »

La question se pose à l’issue de cette séance : ira-t-on au delà des analyses et des discours ? Va-t-on enfin mettre en œuvre des politiques ambitieuses telles que- le débat l’a rappelé- de nombreux avis du CESE les ont dessinées ? On peut avoir des craintes au vu de l’expérience passée et du débat politique aujourd’hui. Le CESE pour sa part a voté une résolution dont l’objectif affirmé est d’inscrire durablement l’enjeu de la grande pauvreté au cœur de ses travaux et qui s’engage pour que « les plus pauvres d’entre nous soient pris en compte à la fois comme personnes ayant besoin d’accompagnement mais aussi comme citoyen.ne.s dont la participation à la vie démocratique est une richesse pour tou .te.s »

Et l’intervention finale d’élèves du lycée Le Corbusier d’Aubervilliers (voir vidéo ici) proclamant « nous ne sommes pas venu.e.s témoigner de la pauvreté mais de la solidarité » laisse la place à l’espoir.

Mais y parvenir va nécessiter des luttes dans lesquelles nos revendications ont toute leur place et les forces syndicales doivent tenir tout leur rôle.

Par Gérard Aschieri

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