Europe et Droits Sociaux

Le Premier Ministre avait  invité le CESE à émettre un avis sur la construction d’une Europe dotée d’un socle de droits sociaux. Cette démarche relaie la décision de la Commission européenne d’engager une consultation publique close à la fin du mois de décembre, concernant « le champ d’application, les domaines et les principes du socle ». Les travaux du CESE devant  « enrichir la position que portera la France dans ce cadre ».

 

L’Europe traverse une crise extrêmement importante, son existence est tout simplement menacée d’explosion, à tel point que le processus entamé auquel participe cet avis peut être qualifié de processus de la dernière chance.

Car l’analyse de la situation -développée dans l’avis rendu le 14 décembre 2016- est sans appel. La méfiance, les critiques à l’égard de l’Union Européenne s’amplifient. La crise de 2007/08 par sa profondeur et sa durée a entraîné l’augmentation de la pauvreté et des inégalités, d’autant plus que les politiques d’austérité prônées par les instances européennes (Commission, Conseil…) ont aggravé ces conséquences (119 millions de personnes sont en risque de pauvreté ou d’exclusion sociale en 2015 dans l’UE).

Les défis et secousses se multiplient,  avec » un accroissement des disparités entre États » et « une remise en cause des droits sociaux dans certains États ».

Une tendance à la construction d’une Europe à deux niveaux se dégage entre la zone Euro et le reste des Etats européens

Ce document du CESE a fait l’objet d’une construction méthodologique originale puisque trois sections ont été impliquées : la section des affaires européennes et internationales pour l’avant-propos et les sections des affaires sociales et de la santé et du travail et de l’emploi.

La première partie est consacrée aux questions de périmètre, de transversalité des droits sociaux, d’articulation entre l’économique et le social.

Avec deux aspects cruciaux : l’effectivité et la portabilité.

Le premier souligne le danger des taux élevés de non recours mais surtout un obstacle majeur à l’application des droits (en terme de déclinaison d’accords ou même de directives). Car sur de nombreux points, les mises en œuvre rencontrent résistances et blocages de certains États: droits des femmes, minima salariaux, respect des Conventions de l’OIT…

La portabilité des droits est ce qui permet  les mobilités intra-européennes  avec pour enjeu de  garantir l’homogénéisation de leur durée dans l’ensemble des pays membres. Sont notamment visées, la coordination des régimes de sécurité sociale, la formation initiale et continue… Les processus de rupture dans les trajectoires professionnelles rendent de plus en plus urgent de garantir les droits et protections des travailleur.euse.s.

Par-delà les vingt domaines contenus dans les 3 axes préconisés par la Commission, l’avis a respecté « la logique de convergence ascendante ». Elle se matérialise dans  35 recommandations.

On peut mettre en exergue quelques préconisations saillantes. Comme l’adhésion à la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et libertés fondamentales, la reprise des conventions dites « fondamentales » de l’OIT, la relance d’un chantier de création d’un statut juridique d’association européenne et, en réponse à une demande de la CES, la mise en place d’un semestre social avec indicateurs sociaux.

L’avis recommande également que « les enveloppes financières soient attribuées non pas sur le seul fondement du PIB mais également sur des indicateurs sociaux reflétant les difficultés auxquelles sont confrontées les territoires, en particulier le chômage des jeunes, le taux de décrochage scolaire ou encore le nombre de bénéficiaires de minima sociaux ».

Sur le terrain de l’égalité entre les femmes et les hommes , il est notamment préconisé «l’allongement et l’harmonisation de la durée du congé de maternité indemnisé dans chaque État membre, la garantie de l’accès à la contraception et le droit à l’interruption volontaire de grossesse sans risques pour toutes, la prise en charge par les régimes nationaux d’assurance maladie ».

La lutte contre la pauvreté nécessite « un revenu d’existence décent quel que soit l’âge », l’emploi restant la priorité.

Proposition également très intéressante, la création d’un « salaire européen plancher » exprimé en pourcentage du salaire médian de chaque pays ».

Dans le même sens, il est recommandé d’initier « une réflexion stratégique sur le statut de l’actif et à développer une logique de sécurisation des parcours professionnels à l’échelle européenne » et l’exigence d’une couverture garantie du risque chômage avec droit à indemnisation décente et accompagnement..

Concernant le dossier d’une brûlante actualité des travailleur.euse.s détaché.e.s. L’avis soutient la révision de la directive actuelle selon le principe « à travail égal, salaire égal sur un même lieu de travail » (voir avis du CESE sept 2015)

C’est donc un avis charpenté et détaillé qui a été adopté à l’unanimité moins une abstention.

Mais il reste à entrer dans le domaine de l’application pour changer le modèle de construction et agir sur le quotidien de chaque européen.ne. L’avis du CESE de 2014 s’intitulait déjà « l’Europe à la croisée du chemin », deux après il reste d’actualité.

Par Noël Daucé décembre 2016

Pour en savoir plus et lire l’avis : ici