Bretagne : l’enjeu des lycées

Le dossiers des lycées est sans doute celui sur lequel la FSU intervient le plus régulièrement au CESER. Avec un budget annuel de 180M€ et un plan pluri-annuel d’investissement de 800M€ sur 10 ans, c’est un poids lourd dans le budget régional même s’il est loin d’être aussi médiatisé par l’exécutif régional que d’autres programmes d’investissement jugés plus prestigieux (LGV, Bretagne très haut débit).

Il faut dire que les 116 lycées publics bretons (dont 4 lycées maritimes, 9 lycées agricole) sont devenus une vraie source de tracas pour la Région. Avec un parc d’établissements vieillissant (la grande majorité des lycées bretons ont été créés entre 1940 et 1980), beaucoup connaissent des problèmes de vétusté majeurs que la succession des interventions ‘’d’urgence’’ ne résout pas. A quoi s’ajoutent trois autres problèmes de taille et potentiellement lourds pour le budget régional : l’état nettement insuffisant des réseaux informatiques des lycées et l’accès au haut débit, la mise en accessibilité pour l’accueil des personnes en situation de handicap et enfin les inquiétudes des personnels au sujet de la présence d’amiante et de radon. Ces dernières années, les ‘’plans d’action’’ et les ‘’schémas directeurs’’ se succèdent pour ‘’ordonner les priorités d’intervention’’, mais sur le terrain les effets ne sont guère perceptibles et la colère des personnels comme des familles, de plus en plus palpable, s’étale de plus en plus souvent dans la presse.

Si l’on peut incriminer le défaut d’entretien du parc par l’État avant 1986 et l’attentisme des exécutifs régionaux qui se sont succédé avant 2004, date de l’arrivée de la gauche à la tête du Conseil régional, on ne peut pas dire non plus, avec seulement deux lycées construits en 15 ans, que le volontarisme ait été de mise depuis lors.

Ces dernières années, la poussée démographique marquée qu’a connu la Bretagne au début des années 2000 a donné une acuité nouvelle à nos interventions sur la question des lycées, en faisant de l’augmentation des capacités d’accueil un enjeu fort de lutte pour la promotion du service public d’éducation en Bretagne.

Il faut savoir que notre région bat quelques tristes record en matière d’absence d’école publique : 20 % des communes d’Ille-et-Vilaine et près de 25 % des communes du Morbihan n’ont que l’école catholique, deux villes de plus de 10 000 habitants (Guidel, St Avé) n’ont pas de collèges publics ; sans oublier Ploërmel (un bassin d’emploi de 70 000 habitants avec un taux de qualification inférieur de 25 % à la moyenne nationale) où élus de droite et direction de l’enseignement catholique œuvrent depuis 30 ans pour empêcher la construction d’un lycée public susceptible de faire évoluer l’offre de formation dans le secteur. Voté en 2016, le projet du futur lycée public de Ploërmel a (enfin) été présenté par le Président de Région cet été : ouverture prévue en 2021…ou 2022.

Au CESER, en audience à la Rgion, dans la rue comme dans la presse – depuis des années la FSU mène sur ce dossier un travail de conviction. Mais elle s’est aussi imposée dans l’expertise en produisant plusieurs études sur la démographie scolaire. En 2015, après la publication d’un premier travail par la FSU35 concentré sur le département d’Ille-et-Vilaine, le CFR de la FSU Bretagne a décidé de lancer une étude à l’échelle de la région en collaboration avec le laboratoire Espaces et Sociétés de l’Université de Rennes-2. Une publication s’en est suivie à l’automne 2016 qui a reçu une audience importante en Bretagne.

Si la FSU ne peut certes pas s’en attribuer tout le mérite, force est de constater l’évolution sensible du Conseil régional au cours de la même période : à l’automne 2014, le Conseil régional programmait enfin la construction de deux lycées publics, à Ploërmel (56) et au nord-est de Rennes (le lycée S. Veil devrait ouvrir à Liffré pour la rentrée 2020) ; puis après plusieurs autres études et débats, le projet d’un deuxième lycée sur le secteur sud de Rennes a été confirmé et le choix de la commune arrêté en juin dernier.

Pour autant, la situation n’est pas idyllique, loin de là. D’abord parce que ‘’les murs craquent’’ dans les lycées publics rennais mais aussi sur le secteur de Vannes ou de Dinan, du fait de l’attentisme de la Région mais aussi en raison de programmes de restructuration insuffisants. Faute de capacités d’accueil suffisantes à proximité dans le public, des familles se tournent vers le privé catholique. Ensuite, parce qu’à terme l’argument démographique pourrait bien se retourner au détriment des territoires moins dynamiques. Ainsi, à l’instar des Conseils départementaux et des DASEN qui ont fermé sans ciller 4 collèges bretons de proximité en deux ans, l’année dernière la Région et le rectorat ont scellé le sort du LP Jean Moulin, lycée historique du Cap Sizun.

Maintenir la présence des lycées publics partout et développer l’offre de formation, notamment les filières technologiques et professionnelles face au privé catholique, mais aussi à l’appétit des branches pour l’apprentissage, c’est aujourd’hui plus que jamais un enjeu de taille. C’est aussi un élément de notre campagne pour les élections professionnelles.

Jean Marc Cléry